Le cocontractant d’un candidat évincé n’a pas intérêt à contester l’attribution d’une autorisation d’exploiter un parc éolien en mer
L’article L.311-10 du Code de l’énergie dispose qu’une procédure de mise en concurrence peut être mise en œuvre lorsque les capacités de production d’énergie ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
C’est dans le cadre d’un tel appel d’offres que la société Ailes Marines était devenue attributaire, par une décision du 6 avril 2012, d’un lot portant sur l’implantation d’un parc éolien offshore au large de Saint-Brieuc. La société Eolien Maritime France, également candidate à ce lot, s’était quant à elle vu notifier le 19 avril 2012 le rejet de son offre.
La société Eolien Maritime France s’était présentée en tant que candidat unique. Elle avait parallèlement constitué un réseau de sociétés disposant de diverses compétences de nature à lui permettre de mener à bien les missions prévues dans le cadre de l’appel d’offres. La société Nass & Wind offshore était l’un de ces partenaires ; elle avait d’ailleurs conclu avec le candidat malheureux une « convention d’achat d’actions et de collaboration ». Elle était désignée dans l’offre comme un cocontractant du candidat.
Après le rejet de l’offre de la société Eolien Maritime France, Nass & Wind offshore a introduit un recours contre l’arrêté du 18 avril 2012, par lequel les ministres de l’Ecologie et de l’Industrie avaient formalisé l’autorisation attribuée à Ailes Marines d’exploiter le futur parc éolien offshore. La société estimait en effet que le lot avait été attribué illégalement, sur le fondement de critères non explicités dans l’avis d’appel public à la concurrence. De ce fait, elle avait subi un préjudice commercial, la société Eolien Maritime France n’étant pas en mesure de lui confier l’exécution de prestations en lien avec ce marché.
Sur ce fondement, le tribunal administratif de Rennes a admis son intérêt à agir, l’assimilant ainsi à un cotraitant (TA Rennes, 17 décembre 2015, n°1301372 et 1304960), mais a rejeté son recours au fond. La cour administrative d’appel de Nantes déclare quant à elle son pourvoi irrecevable pour défaut d’intérêt à agir (CAA Nantes, 30 octobre 2017, n°16NT00528).
S’il est admis de longue date qu’un membre d’un groupement candidat à un appel d’offres dispose d’un intérêt à agir, la question de l’admission à agir des cocontractants est plus délicate.
Ainsi, le Conseil d’Etat a pu juger, dans le cadre d’un référé-suspension, que « si la société requérante n’est pas un concurrent dont la candidature ou l’offre a été rejetée ou qui aurait été empêché de présenter sa candidature, et si en sa seule qualité de société susceptible d’intervenir en qualité de sous-traitante, elle ne justifie pas d’un intérêt lésé pouvant la rendre recevable à contester la validité du contrat en cause, il ressort des pièces du marché que l’offre d’un des groupements candidats reposait sur la technologie que fournit cette société ; que, dans ces conditions, elle justifie être lésée par la conclusion du contrat litigieux de manière suffisamment directe et certaine pour être recevable à en demander l’annulation ainsi que la suspension » (CE, 14 octobre 2015, n°391183).
A priori, il ne semblerait pas devoir en aller autrement d’un partenaire commercial, titulaire d’une convention de « collaboration ». Pourtant, la Cour administrative d’appel conclut que la société requérante ne saurait se prévaloir utilement de sa qualité de cocontractante. Elle juge en effet que « les clauses que comporte une telle convention, librement souscrite et à laquelle l’Etat n’est pas partie, sont insusceptibles de caractériser, de la part du cocontractant du candidat évincé, un intérêt personnel et direct suffisant pour lui donner qualité à agir ».
La Cour a également pris soin de préciser que la société Nass & Wind offshore n’étant pas, à elle seule, en situation de se porter candidate, elle ne pouvait se prévaloir de la perte d’une chance de remporter le marché (voir en ce sens : CJUE, 9 juin 2011, C-401/09 P), ni a fortiori réclamer à être indemnisée du préjudice commercial qu’elle estimait avoir subi. Elle demandait, à ce titre, la somme de 23 061 506 euros.
Auteurs
François Tenailleau, avocat associé en droit public des affaires
Hélène Chalmeton, juriste au sein du Département droit des affaires, en charge du knowledge management