Indemnisation forfaitaire d’une contrefaçon de logiciel : peut mieux faire
Dans un arrêt du 23 septembre 2016, la cour d’appel de Rennes a déclaré un prévenu coupable de vente et de détention de 13 653 logiciels Windows présentés sous une marque contrefaisante et au mépris des droits d’auteurs.
Les juges du fond ont évalué forfaitairement le préjudice matériel de la société Microsoft Corporation à la somme de 819 855,75 euros et la Cour d’appel a retenu « que M. X. a été condamné définitivement pour avoir contrefait et commercialisé des logiciels OEM (Original Equipment Manufacturer), lesquels sont concédés par la société Microsoft à des constructeurs pour être installés sur des ordinateurs neufs ».
Contrairement aux logiciels full package product (FFP), plus chers de 25%, les logiciels OEM ne sont pas transférables sur d’autres ordinateurs. C’est d’ailleurs en tenant compte de cet élément que la société Microsoft Corporation avait calculé son préjudice et qu’elle s’est pourvue en cassation contre cette décision.
Par un arrêt rendu le 19 avril 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmé la condamnation du prévenu « dès lors que l’indemnisation n’était pas inférieure aux droits qui auraient été dus si l’auteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte » (Cass. crim., 19 avril 2017, n°16-86.140).
La Cour a en revanche cassé l’arrêt d’appel pour avoir réduit l’indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux de l’éditeur américain « aggravant ainsi le sort de la partie civile, seule appelante ». En effet, aux termes des articles 509 et 515 du Code de procédure pénale, sur le seul appel de la partie civile, la Cour d’appel ne peut modifier le jugement dans un sens défavorable à celle-ci.
La présente affaire illustre ainsi, une nouvelle fois, les difficultés que suscite le choix d’une méthode de calcul des dommages-intérêts, qui ne soit pas purement indemnitaire mais prenne également en compte d’autres aspects essentiels en matière de contrefaçon tels que la dissuasion.
Sur ce point, la directive 2004/48 du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle prévoit un mode de calcul forfaitaire de dommages-intérêts (article 13) fixé « sur la base d’éléments tels que, au moins le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit de propriété intellectuelle en question ». Cette disposition vise précisément à ce que le juge ne se contente pas d’accorder le montant d’une redevance, sauf à manquer l’objectif essentiel donné aux dommages-intérêts, qui ne sont pas ici purement indemnitaires mais restitutoires et même dissuasifs.
La directive a été transposée à l’article L.331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle, qui dispose que la somme forfaitaire allouée à titre de dommages-intérêts par la juridiction « est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ». Non seulement la somme forfaitaire allouée doit donc être supérieure au montant de la redevance ou du prix d’une autorisation amiable mais en outre, le préjudice moral doit être réparé.
Par un arrêt rendu le 13 octobre 2015 (Cass. crim., 13 octobre 2015, n°14-88.485) la chambre criminelle de la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de statuer sur un pourvoi formé par la société Microsoft, laquelle contestait la manière dont avaient été établis les dommages-intérêts alloués pour l’indemniser d’actes de contrefaçon de logiciels. Or, suivant le même raisonnement qu’en l’espèce, la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi au motif que la réparation forfaitaire n’était pas inférieure aux droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait sollicité une autorisation.
En 2015 comme en 2017, la Haute juridiction s’en tient au principe de la réparation intégrale du préjudice à l’exclusion de tous dommages-intérêts punitifs.
Auteurs
Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.
Victoire Delloye, avocat, droit de la propriété intellectuelle