Quand le secret des affaires fait obstacle à la transparence entre franchiseur et franchisé
En décembre 2003, la société Ploneour Loisirs a conclu avec la société Bricorama France un contrat de franchise pour l’exploitation d’un magasin à Pont l’Abbé. Le contrat prenait effet à la date d’ouverture du magasin. Le même jour, étaient également signées une convention d’enseigne et une convention de location de logiciel. La société Ploneour Loisirs s’approvisionnait en marchandises auprès des fournisseurs référencés par Bricorama France.
Par courrier recommandé du 15 septembre 2009, la société Ploneour Loisirs a signifié à son franchiseur son intention de ne pas renouveler le contrat de franchise.
C’est dans ce contexte que la société Bricorama France a assigné son ancienne franchisée en paiement de factures impayées au titre de redevances de franchise, de loyers de mise à disposition d’enseigne et de livraisons de marchandises, ainsi que pour violation de la clause de non-réaffiliation stipulée au contrat.
Cette affaire, tranchée en première instance, en appel, puis en cassation, prend position sur un point intéressant : celui de savoir dans quelle mesure un franchiseur, agissant en qualité de centrale d’achat de ses franchisés, doit informer ceux-ci du détail des négociations commerciales menées avec ses fournisseurs.
En l’espèce, le franchisé soutenait en réponse que la société Bricorama n’avait pas été transparente sur les modalités de calcul des remises de fin d’année, celles-ci étant mutualisées entre tous les franchisés du réseau, et calculées sur la base des négociations menées par Bricorama. La société Ploneour Loisirs reprochait notamment à Bricorama France son « manque de loyauté », les modalités précises de calcul des remises ne lui ayant pas été communiquées, ni pendant l’exécution du contrat de franchise, ni dans le cadre du contentieux à la fin du contrat. Elle estimait que le secret des affaires, qui lui était opposé par Bricorama, ne pouvait être invoqué, tout mandataire ayant le devoir de rendre compte à son mandant de l’exécution de ses missions.
A cet égard, il faut rappeler que si le Code de commerce met à la charge du franchiseur une lourde obligation d’information précontractuelle (article L.330-3 du Code de commerce), aucun devoir d’information spécifique n’existe, de par les textes, lors de l’exécution du contrat de franchise. C’est dès lors sur le fondement du droit civil des contrats que la société franchisée pouvait trouver argument. En l’espèce, deux textes étaient invoqués :
- l’article 1134 du Code civil (devenu article 1103), qui impose un devoir de loyauté contractuelle, dont le devoir d’information découlerait nécessairement ;
- l’article 1993 du Code civil, qui impose à tout mandataire de rendre compte de sa gestion.
La Cour d’appel, et la Cour de cassation à sa suite, déboutent cependant le franchisé de ses demandes de communication des modalités de calcul des ristournes. La Haute juridiction juge ainsi que « même si la société Bricorama a été le mandataire de la société Ploneour dans la négociation avec les fournisseurs, il ne peut lui être imposé de révéler la teneur de ses négociations qui relève du secret des affaires, mais seulement d’en faire connaître l’issue au distributeur ». Elle relève que la Cour d’appel a pu rejeter la demande du franchisé de produire des éléments de preuve litigieux détenus par la société Bricorama au motif que cette demande ne relevait pas de la nature du contrat, ni de la loyauté contractuelle et n’était pas justifiée par un intérêt légitime (Cass. com., 8 juin 2017, n°15-27.146).
Cette décision, qui est l’une des premières illustrations de la notion de « secret des affaires » dans le cadre d’un réseau de distribution peut surprendre en ce qu’elle énonce que cette demande de communication ne relève pas de la nature du contrat tout en rappelant que les parties étaient liées par un mandat. Quant à l’intérêt légitime, il paraissait manifeste puisque l’enjeu était, pour le franchisé, de contrôler son dû.
Il est probable que la jurisprudence à venir aura à trancher la portée des principes respectifs du secret des affaires et de l’obligation générale d’information énoncée par l’article 1112 du Code civil.
Auteurs
Brigitte Gauclère, avocat counsel, droit commercial, droit de la distribution et immobilier
Hélène Chalmeton, juriste au sein du Département droit des affaires, en charge du knowledge management.