Quand une société mère a un intérêt propre à fidéliser les cadres de sa filiale
Une société holding a cédé, à prix minoré, les titres de sa filiale à certains cadres de cette dernière. L’administration a estimé que cette cession, réalisée pour un prix anormalement bas, constituait pour la société cédante un acte anormal de gestion.
Dans un arrêt du 16 octobre 2013 (n° 339166, SAS Adélaïde), le Conseil d’Etat a approuvé les redressements prononcés mais n’en a pas moins admis que ce type d’opération aurait pu échapper à la critique. Ainsi, le Conseil n’exclut pas que la fidélisation de certains cadres de la filiale puisse présenter pour la mère un intérêt propre, mais il exige que les circonstances de l’affaire et les justifications apportées par les parties permettent de l’établir. Or, en l’espèce, la société se bornait à énoncer des considérations générales sans référence précise au rôle des cadres concernés ou à la politique de l’entreprise en direction du personnel d’encadrement et sans faire état de circonstances particulières propres à ses relations avec sa filiale. Elle a donc échoué à rapporter la preuve requise.
Dans quelles circonstances peut-on alors imaginer qu’une opération de cette nature soit fiscalement irréprochable? Il ressort de la décision commentée, éclairée par les conclusions du rapporteur public, que la vente de titres à prix décoté à des cadres de filiale paraît possible lorsque la société mère développe une véritable politique en direction du personnel d’encadrement de la filiale et est en état de démontrer l’importance, pour son propre développement, de bénéficier durablement du concours de cadres de niveau élevé au sein de la filiale. Le sacrifice de la mère apparaîtra d’autant plus justifié que les cadres des filiales s’engagent contractuellement, en échange ou en parallèle de l’avantage reçu, à se maintenir dans leurs fonctions pendant un certain temps.
Voici donc une nouvelle illustration du pragmatisme de la jurisprudence administrative : bien que l’intérêt de groupe ne permette toujours pas de justifier un acte anormal de gestion, la réalité des pratiques de groupe est prise en compte pour apprécier l’intérêt propre de chaque société membre du groupe.
A propos de l’auteur
Emmanuelle Féna-Lagueny, avocat. Elle traite des impôts directs au sein du département de doctrine fiscale. En étroite relation avec les avocats du Cabinet intervenant dans ce domaine, elle suit et analyse les évolutions du droit fiscal pour formuler des conseils pratiques.
L’actualité fiscale en bref parue dans la revue Option Finance du 16 décembre 2013