Apport-cession : les charmes et les pièges du réinvestissement dans des activités hôtelières
4 octobre 2017
Les opérations par lesquelles une ou plusieurs personnes physiques apportent à une société contrôlée des titres destinés à être cédés en bénéficiant d’un différé d’imposition des plus-values d’apport sont notoirement connues par les entrepreneurs et les praticiens.
Ces plus-values bénéficient d’un report d’imposition1 mais, en cas de cession des titres apportés dans les trois ans de l’apport, la société cédante doit réinvestir, dans un délai de deux ans, 50% au moins du produit de la vente dans une activité éligible, sous la forme :
- de financement de moyens permanents d’exploitation ; ou
- de l’acquisition de titres de sociétés exerçant une telle activité lui en conférant le contrôle, ou de la souscription en numéraire au capital de telles sociétés.
Tout ou partie des actionnaires peuvent également chercher à bénéficier de l’exonération d’impôt sur la fortune (ISF) au titre des biens professionnels et/ou à bénéficier de l’exonération de 75% d’ISF ou de droits de transmission à titre gratuit par la souscription d’un engagement collectif de conservation.
A cet égard, l’éligibilité de l’activité exercée et donc de l’investissement pourra dépendre de la structuration retenue, pour autant que les autres conditions d’application de ces régimes soient par ailleurs remplies.
Exploitation directe ou investissement dans une société unique
L’investissement direct dans les murs et le fonds de l’hôtel ne présente pas de difficulté de principe au regard des obligations de réinvestissement considérées.
Un investissement comparable par l’intermédiaire d’une filiale n’appelle pas davantage d’observations, étant simplement rappelée l’obligation de détenir le contrôle de la société en cas d’acquisition de titres préexistants.
Il en est de même de l’appréciation de l’activité poursuivie quant à la qualification de biens professionnels. En cas d’investissement via une filiale, l’exonération éventuelle des titres de la société holding serait revendiquée à hauteur de la fraction de sa valeur correspondant à celle de sa filiale hôtelière.
Les titres de la société hôtelière pourraient également être éligibles à l’exonération partielle de droits d’enregistrement en considération de la souscription d’un engagement collectif, proportionnellement en cas d’investissement indirect.
Investissements distincts dans une société hôtelière et dans les murs de l’hôtel
L’investissement dans la société hôtelière n’appelle pas d’observations complémentaires.
L’acquisition directe ou indirecte des murs de l’hôtel aux fins de les donner en location nue à la société d’exploitation ne constituerait en revanche pas un investissement éligible.
Précisons que la situation pourrait être différente si la location revêt au plan fiscal un caractère commercial en raison de la participation du bailleur aux résultats de l’entreprise et/ou de la mise à disposition d’équipements nécessaires à l’activité mais une telle situation appelle des réserves et précautions rendant nécessaire une analyse circonstanciée.
Cela pourrait ainsi entraîner la remise en cause du report d’imposition précité si l’importance de l’investissement éligible n’est pas suffi sante.
En matière d’ISF, le bien immobilier ne constituerait pas un outil de travail mais la doctrine administrative2 admet que les immeubles affectés à l’exploitation puissent être exonérés, pour autant notamment qu’ils soient détenus dans la limite d’un seul niveau d’interposition.
Enfin, aucun engagement collectif ne pourrait valablement être souscrit à raison de l’immeuble (en cas de détention directe par la société holding) ou à raison d’une société foncière en cas d’investissement indirect.
Notes
1 Art. 150 0 B ter du Code général des impôts.
2 BOI-PAT-ISF-30-30-10-20 n°40 s.
Auteurs
Pierre Carcelero, avocat associé en droit fiscal
Florian Baron, avocat, droit fiscal
Apport-cession : les charmes et les pièges du réinvestissement dans des activités hôtelières – Article paru dans La Lettre de l’Immobilier (supplément du numéro 1429 du magazine Option Finance) le 18 septembre 2017
A lire également
Les contours variables de la notion de « contrôle »... 30 juillet 2013 | CMS FL
Les enjeux de propriété intellectuelle lors de la participation à un Building... 27 septembre 2017 | CMS FL
Déficit foncier : la faculté de report confirmée en cas de cession d’im... 16 juin 2017 | CMS FL
Imposition des plus-values de cession de terrains à bâtir : suite du feuilleto... 20 février 2014 | CMS FL
Cession d’immeuble et déficit foncier : les conditions de report toujours en ... 9 septembre 2016 | CMS FL
Sociétés ayant versé des intérêts, des jetons de présence ou des dividende... 14 février 2014 | CMS FL
Transactions locatives et lutte anti-blanchiment : Big Brother nous surveille to... 25 septembre 2017 | CMS FL
Contrat de gestion hôtelière : la dissociation capital/gestion portée à son ... 25 septembre 2017 | CMS FL
Articles récents
- L’action en nullité d’un accord collectif est ouverte au CSE
- Complémentaire santé : vigilance sur la rédaction des dispenses d’adhésion
- Précisions récentes sur la portée de l’obligation de sécurité de l’employeur dans un contexte de harcèlement
- La jurisprudence pragmatique du Conseil d’Etat en matière de PSE unilatéral : Délimitation du périmètre du groupe (Partie I)
- Détachement, expatriation, pluriactivité : quelques nouveautés en matière de mobilité internationale
- Avenant de révision-extinction d’un accord collectif : « Ce que les parties ont fait, elles peuvent le défaire »
- Dialogue social et environnement : la prise en compte des enjeux environnementaux à l’occasion des négociations collectives d’entreprise
- L’accès de l’expert-comptable du CSE aux informations individuelles relatives aux salariés lors de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise
- Conférence : Sécuriser vos pratiques pour limiter les risques juridiques dans l’entreprise (risque pénal, congés payés, RPS)
- Le recours à un client mystère : une méthode de contrôle loyale à condition d’être transparente