Ordonnance relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail
27 septembre 2017
Thématique au cœur du projet de réforme porté par le Président Emmanuel Macron et le Gouvernement d’Edouard Philippe, la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail font l’objet d’une ordonnance qui contient certaines des mesures les plus emblématiques de ce début de quinquennat : instauration d’un barème des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse, modification du périmètre d’appréciation du motif économique de licenciement, codification d’un régime des plans de départ volontaire…
Nous vous proposons ainsi un premier tour d’horizon des mesures de cette ordonnance qui nous semblent les plus essentielles pour les entreprises.
Règles applicables à tous types de licenciement
1. S’agissant des indemnités de licenciement, deux mesures principales sont à signaler : l’instauration d’un barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse et la modification des règles relatives à l’indemnité légale de licenciement.
Le Gouvernement a semble-t-il tiré les leçons de l’annulation par le Conseil constitutionnel d’une première tentative d’instauration d’un barème d’indemnisation par la loi du 6 août 2015.
L’ordonnance prévoit qu’en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité dont le montant est compris entre des montants planchers et plafonds, fixés en fonction de l’ancienneté du salarié. Ainsi, un salarié ayant dix ans d’ancienneté dans l’entreprise se verra octroyer une indemnité comprise entre trois et dix mois de salaire, le juge conservant son pouvoir d’appréciation. S’agissant des très petites entreprises, soit celles employant habituellement moins de onze salariés, l’ordonnance prévoit des planchers inférieurs, les plafonds restant identiques.
À noter que ce barème n’est pas applicable lorsque le juge constate la nullité du licenciement, par exemple en cas de harcèlement moral ou sexuel, de licenciement discriminatoire, ou de toute violation d’une liberté fondamentale.
En outre, les règles relatives à l’indemnité légale de licenciement seront modifiées :
- d’une part, la condition d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur pour être éligible à l’indemnité est abaissée d’un an à huit mois ;
- d’autre part, le décret du 25 septembre 2017 (n°2017-1398) revalorise le montant de l’indemnité de licenciement pour les ruptures de contrat de travail prononcées à compter du 27 septembre 2017 : celle-ci passe, pour les dix premières années d’ancienneté, d’un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté, soit une augmentation de 25%.
2. S’agissant des règles de procédure, l’ordonnance prévoit un certain nombre de mesures destinées à simplifier et à sécuriser la procédure de licenciement. Ainsi, de manière non-exhaustive :
- un modèle de lettre de licenciement sera fixé par décret ;
- la motivation de la lettre de licenciement pourra, après sa notification, être précisée soit par l’employeur, soit à la demande du salarié. En l’absence d’une telle demande du salarié, l’insuffisance de motivation de la lettre ne privera pas à elle seule le licenciement de cause réelle et sérieuse : elle n’ouvrira droit qu’à une indemnité égale au maximum à un mois de salaire. Cette procédure sera précisée par décret ;
- en cas de pluralité de motifs de licenciement, et lorsque l’un de ces motifs entraîne sa nullité, le juge sera tenu d’examiner l’ensemble des griefs énoncés dans la lettre de licenciement dans l’évaluation de l’indemnisation du salarié ;
- le délai de contestation de la rupture du contrat de travail est réduit à douze mois, contre vingt-quatre auparavant.
En ce qui concerne l’entrée en vigueur de ces mesures, à l’exception des mesures pour lesquelles des décrets d’application sont nécessaires, il ressort de la rédaction actuelle du texte que le Gouvernement entend les rendre applicables aux licenciements notifiés à compter du lendemain de la publication de l’ordonnance.
Règles spécifiques aux licenciements pour motif économique
1. S’agissant de l’appréciation du motif économique de licenciement, l’ordonnance reprend une mesure envisagée puis abandonnée au moment de l’adoption de la loi Travail. Ainsi, l’article L. 1233-3 du Code du travail précisera désormais que le motif économique s’apprécie, lorsque l’entreprise fait partie d’un groupe, au niveau du secteur d’activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe établies sur le territoire national, sauf fraude. Le texte définit deux notions clés :
- « le groupe est défini, lorsque le siège social de l’entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l’article L. 2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l’ensemble des entreprises implantées sur le territoire français » ;
- Le secteur d’activité est « caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché ».
2. S’agissant de l’obligation de reclassement, l’ordonnance prévoit qu’elle est limitée aux emplois disponibles « sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ». Elle codifie ainsi en partie la définition du groupe de reclassement consacrée par la jurisprudence mais s’en démarque significativement en précisant que, « le groupe est défini, lorsque le siège social de l’entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l’article L. 2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l’ensemble des entreprises implantées sur le territoire français ».
Les offres de reclassement, précises et concrètes, pourront être adressées par écrit directement au salarié, soit lui être communiquées par tout moyen via une liste. Les modalités d’application de ces dispositions feront l’objet d’un décret.
Les dispositions relatives au reclassement à l’étranger sont, quant à elles, entièrement abrogées.
3. S’agissant des critères d’ordre des licenciements, en cas de licenciement pour motif économique de moins de dix salariés sur une même période de trente jours -donc en l’absence de PSE-, leur périmètre d’application pourra être limité soit par accord collectif, soit par l’employeur. Dans ce dernier cas, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de la zone d’emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements concernés par les licenciements.
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4. S’agissant des plans de départ volontaire, l’ordonnance crée une nouvelle section dans le Code du travail intitulée « Rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif portant rupture conventionnelle collective ».. Cette section ne concerne que les plans de départs volontaires excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui leur sont assignés en termes de suppressions d’emploi. Ce nouveau cas de rupture du contrat de travail est exclusif du régime du licenciement pour motif économique. L’administration est informée dès l’ouverture des négociations en vue de la conclusion d’un tel accord et exerce un contrôle sur le contenu de l’accord, avant de rendre une décision sur sa validation. Des décrets sont attendus afin de préciser ce régime. À noter que le rapport relatif à cette ordonnance évoque la possibilité d’un régime fiscal et social attractif attaché à ce mode de rupture, qui serait voté dans le cadre des lois de finances et de financement de la Sécurité sociale pour 2018. Nous ne manquerons pas de revenir en détails sur ce nouveau dispositif qui intéressent particulièrement les entreprises.
En ce qui concerne l’entrée en vigueur de ces mesures, à l’exception des dispositions pour lesquels des décrets d’application sont nécessaires, elles seront applicables aux procédures de licenciement économique engagées à compter du lendemain de la publication de l’ordonnance, c’est-à-dire, à partir du 24 septembre 2017.
Autres mesures à signaler
L’ordonnance contient des mesures intéressant divers pans du droit du travail. Elles concernent aussi bien l’inaptitude, que le recours au télétravail, les contrats atypiques (CDD, contrat de mission, CDI de chantier), le travail de nuit, ou encore le prêt de main d’œuvre à but non lucratif. Nous avons ici sélectionné deux mesures qui nous semblent essentielles.
1. S’agissant de l’inaptitude, et plus particulièrement de l’obligation de reclassement en cas d’inaptitude professionnelle ou non, l’ordonnance précise la définition du groupe de reclassement en reprenant la nouvelle définition retenue pour le reclassement suite à un licenciement économique en distinguant selon que l’inaptitude est d’origine professionnelle ou non. Le principe commun est que l’employeur propose au salarié « un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ».
- En matière d’inaptitude d’origine non-professionnelle, l’article L. 1226-2 prévoit que « le groupe est défini conformément au I de l’article L. 2331-1 » ;
- en matière d’inaptitude d’origine professionnelle, l’article L. 1226-10 prévoit que « le groupe est défini, lorsque le siège social de l’entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l’article L. 2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l’ensemble des entreprises implantées sur le territoire français ».
À noter que ces dispositions entrent en vigueur à compter du 24 septembre 2017.
2. S’agissant des contrats atypiques (CDD, contrat de mission, CDI de chantier ou d’opération), l’ordonnance tire les conséquences du renvoi à la négociation collective de branche concernant les règles de durée, de renouvellement et relatives au délai de carence et prévoient les règles applicables en l’absence de telles stipulations dans l’accord de branche applicable.
En outre, l’ordonnance limite les cas de requalification des CDD et des contrats de mission en CDI : la méconnaissance de l’obligation de transmission du contrat de travail au salarié ne sera plus de nature à entraîner à elle seule la requalification en CDI.
Auteurs
Olivier Dutheillet de Lamothe, avocat associé, droit social.
Béatrice Taillardat Pietri, adjoint du Responsable de la doctrine sociale
Louis Paoli, avocat, droit social
Mise à jour de l’article publié le 8 septembre 2017
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