Faculté de substitution dans une cession de droits sociaux : le cessionnaire originel demeure codébiteur solidaire
La Cour de cassation vient de rendre un arrêt fort intéressant, même s’il intervient dans un contexte un peu particulier (Com. 8 juin 2017, n°15-28.438). En l’occurrence, le litige est né d’un protocole d’accord portant sur la cession d’actions d’une société et prévoyant que le cessionnaire aurait la faculté de se substituer un tiers, personne morale ou personne physique.
Ce qui fut fait aux termes de deux avenants successifs. Malheureusement (pour les cédants), la société ainsi substituée se révèle défaillante au point d’être soumise à une procédure de liquidation judiciaire.
Le débat a porté sur le point de savoir comment analyser l’engagement pris par le cessionnaire originel de garantir aux cédants le paiement du prix convenu. Pour tenter d’échapper à la condamnation prononcée en appel (devoir payer 650 000 euros), celui-ci plaidait devant la Cour de cassation que cet engagement devait être considéré comme un cautionnement, puisqu’il avait promis de payer la dette d’autrui (la société substituée) au cas où cette dernière ne s’exécuterait pas. Ce faisant, le substituant entendait effacer sa dette en arguant que le formalisme entourant la conclusion d’un contrat de cautionnement n’avait pas été respecté ou, a minima, réduire son montant en invoquant la règle de proportionnalité.
L’argumentation n’est pas entendue par la Haute juridiction, qui rejette le pourvoi.
Pour ce faire, elle s’appuie d’abord sur les constatations des juges du fond. Ceux-ci avaient estimé que les différentes conventions intervenues entre les protagonistes ne constituaient pas des conventions autonomes et distinctes, mais faisaient corps avec le protocole initial. Ils avaient aussi relevé que ce dernier prévoyait « clairement » que le cessionnaire originel resterait, s’il exerçait sa faculté de substitution, solidaire du paiement des sommes convenues (prix des actions + remboursement du compte courant des cédants).
Ensuite, la Cour de cassation exprime son adhésion au raisonnement retenu par la cour d’appel qui a exactement déduit de ces éléments que le cessionnaire originel ne s’était, ce faisant, pas engagé à payer la dette du cessionnaire substitué, mais était demeuré codébiteur solidaire des obligations nées du contrat. En conséquence de quoi, l’engagement qu’il assumait ne revêtait pas un caractère accessoire et n’était donc pas soumis aux règles du cautionnement.
Sans le dire expressément, la Cour de cassation semble considérer que la mise en œuvre de la clause de substitution opère, ici, cession de position contractuelle. Dès lors, comme le cessionnaire substituant s’était solidairement obligé à payer le prix convenu, son engagement ne pouvait revêtir un caractère accessoire. Il demeure codébiteur solidaire.
Une telle qualification (implicite) doit sans doute beaucoup aux circonstances de l’espèce. Dans un contexte voisin, celle de promesse de porte-fort a pu être retenue (Com. 13 déc. 2005, n°03-19.217).
Si la qualification de cession de contrat venait à se confirmer, elle marquerait un tournant dans la position de la Cour de cassation qui, jusqu’alors, faisait échapper le mécanisme de substitution contractuelle au régime des cessions (notamment en matière immobilière, s’agissant de l’obligation d’enregistrement prévue à l’art. 1589-2 du C. civ.). Mais cela conforterait l’opinion de ceux qui estiment que, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, la substitution dans le bénéfice d’une promesse est désormais une cession. Observons également que, si l’opération avait eu lieu après le 1er octobre 2016, l’obligation de solidarité pesant sur le cessionnaire substituant aurait existé de plein droit, seule une clause contraire expresse pouvant l’en affranchir (C. civ., art. 1216-1, al. 2).
Auteur
Arnaud Reygrobellet, Avocat of Counsel, Doctrine juridique et Professeur à l’Université de Paris Ouest Nanterre