Plus-values mobilières : nouvelle décision du Conseil constitutionnel sur les cas d’exclusion de l’abattement pour durée de détention
On rappelle que les lois de finances pour 2013 et pour 2014 ont modifié les règles de l’impôt sur le revenu sur les plus-values pour les soumettre au barème progressif (au lieu du taux forfaitaire de généralement 19% auparavant prévu) après l’application d’un abattement pour durée de détention créé notamment pour réduire la sévérité de cette réforme pour les contribuables les plus taxés. Ces deux lois ont prévu que ces modifications s’appliquent aux « gains nets […] réalisés à compter du 1er janvier 2013 ».
Le traitement à appliquer aux plus-values « réalisées » avant le 1er janvier 2013, mais devenant imposable seulement au titre de l’année 2013 ou d’une année suivante, n’ayant au contraire pas été expressément fixé par la loi, il a fallu attendre l’interprétation du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel sur cette question.
La dernière affaire en date (décision n°2017-642 QPC du 7 juillet 2017, M. Alain C) concerne un contribuable qui avait bénéficié du régime des dirigeants de PME partant à la retraite lorsqu’il avait cédé ses titres, avant 2013, avant que la plus-value ne soit rendue imposable postérieurement à cette date du fait de la remise en cause du régime favorable. Le Conseil constitutionnel vient de considérer qu’il convient d’appliquer le taux du barème (pouvant aller jusqu’à 45%), dès lors que c’est la règle à la date de l’imposition, mais sans l’abattement pour durée de détention.
La solution peut sembler sévère dès lors que la juridiction considère que l’application des nouvelles règles n’emporte pas application de l’abattement pour durée de détention. On notera toutefois que le Conseil constitutionnel reprend dans cette affaire la même réserve d’interprétation que dans l’affaire qui a réglé l’imposition des plus-values mises en report optionnel avant 2013 (décision n°2016-538 QPC du 22 avril 2016), à savoir que pour ne pas méconnaître les capacités contributives des contribuables, il convient, dans ce cas, d’appliquer à l’assiette imposable un coefficient d’érosion monétaire pour la période comprise entre l’acquisition des titres et le fait générateur de l’imposition. Et s’agissant de la règle de taux, le Conseil constitutionnel ajoute que le contribuable ne peut faire état d’une situation légalement acquise (pour éviter l’application du barème) dès lors que : « Lorsque le législateur permet à un contribuable, à sa demande, de bénéficier sous certaines conditions d’un régime dérogatoire d’imposition d’une plus-value, le contribuable doit être regardé comme ayant accepté les conséquences de la remise en cause de ce régime en cas de non-respect des conditions auxquelles il était subordonné ».
Rappelons pour finir que l’exclusion de l’abattement tient à la jurisprudence désormais traditionnelle du Conseil d’État selon laquelle l’assiette imposable est déterminée selon les règles d’assiette applicables au moment de réalisation de la plus-value, et non pas au moment de l’imposition. Sous réserve de l’interprétation du Conseil constitutionnel.
Auteur
Florent Ruault, avocat, spécialiste des impôts directs au sein du département de doctrine fiscale