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Le financement obligataire des SARL

Le financement obligataire des SARL

La possibilité pour les SARL d’émettre des obligations introduite en droit français en 2004 s’est longtemps avérée d’un intérêt pratique limité pour ces entreprises, souvent de taille intermédiaire.

Les ETI n’avaient dans les faits qu’un accès restreint, voire inexistant, à un marché obligataire monopolisé par les grandes entreprises notées, généralement cotées et réalisant des émissions de taille significative. Mais depuis 2012, l’avènement de nouveaux modes de financement désintermédiés (tels que l’Euro PP), plus accessibles aux ETI, a largement favorisé l’accès au marché obligataire des SARL.

Le cadre juridique existant est-il pour autant adapté à ces nouveaux modes de financement ? Quels points juridiques doivent être pris en considération par les SARL qui envisagent de recourir à ce type d’emprunt obligataire ?

Il faut d’abord rappeler que seules peuvent émettre des obligations les SARL « tenue[s] en vertu de l’article L. 223-35 de désigner un commissaire aux comptes ». Cette contrainte limite d’emblée la possibilité de financement obligataire aux SARL dépassant à la clôture d’un exercice social au moins deux des trois critères suivants : un bilan total supérieur à 1.550.000 euros, un montant de chiffre d’affaires supérieur à 3.100.000 euros et un nombre moyen de salariés supérieur à 50. En outre, les comptes des trois derniers exercices de douze mois doivent avoir « été régulièrement approuvés par les associés ». Ne sont donc pas éligibles au financement obligataire les SARL qui n’ont pas la taille nécessaire pour satisfaire aux critères précités et qui n’ont pas trois ans d’existence. Sur ce point, les SARL éligibles aux émissions obligataires semblent bien correspondre au profil d’émetteur concerné par les Euro PP : ces modes de financement s’adressent principalement aux ETI présentant un profil et un historique suffisant pour permettre aux investisseurs de réaliser une analyse financière satisfaisante pour pallier l’absence de notation.

Les obligations émises par les SARL ne peuvent être offertes au public : elles doivent nécessairement faire l’objet d’un placement privé auprès d’investisseurs qualifiés ou d’un cercle restreint d’investisseurs, ce qui n’empêchera pas la cotation de ces titres sur un marché règlementé tel qu’Euronext, ou un marché non réglementé comme Euronext Growth ou Euronext Access. Encore une fois sur ce point, le financement obligataire Euro PP semble tout-à-fait adapté aux SARL puisqu’il ne s’agit précisément que de placements privés.

Autre limite imposée aux SARL : les obligations qu’elles émettent ne peuvent l’être que sous la forme nominative (et donc pas au porteur). Sur le marché de l’Euro PP, la forme nominative peut être un avantage par rapport à la forme au porteur (laquelle est généralement plus appropriée au marché obligataire international) car elle permet à l’émetteur de connaître ses porteurs à tout moment (et sans frais) et de communiquer avec eux en toute confidentialité. Une fois de plus, ce qui pourrait être une contrainte juridique semble totalement répondre aux besoins de ces nouveaux modes de financement.

C’est sans doute au régime d’émission lui-même qu’il faudrait prêter attention, l’émission d’obligations devant en effet être « décidée par l’assemblée des associés conformément aux dispositions applicables aux assemblées générales d’actionnaires. » Contrairement aux règles applicables aux sociétés par actions, aucune faculté de délégation n’est prévue, alors même que pour ces sociétés, la récente réforme opérée par l’ordonnance du 10 mai 2017 vient d’étendre la possibilité de déléguer le pouvoir de réaliser l’émission d’obligations à toute personne désignée par le conseil d’administration ou le directoire. Ce manque de souplesse pourrait être un frein au recours au financement obligataire dans des SARL confrontées à la difficulté de réunir des assemblées générales plus d’une fois par an.

Au moment de l’émission, l’émetteur doit mettre à la disposition des souscripteurs un document d’information et une notice relative aux conditions d’émission dont les mentions ne sont pas sans rappeler, dans une certaine mesure, celles requises par la directive prospectus. Cette exigence, sans être un obstacle en soi, doit toutefois être prise en compte notamment dans les placements privés non cotés pour lesquels aucun prospectus ou document d’information n’est par ailleurs requis.

En fin de compte, et malgré quelques points d’attention à ne pas négliger, le cadre juridique des émissions obligataires des SARL se révèle approprié aux placements privés tels que les Euro PP, lesquels constituent une alternative efficace aux financements par voie bancaire ou par apport en compte courant d’associé.

 

Auteur

Rosetta Ferrère, avocat Counsel,  Marchés de capitaux.

 

Le financement obligataire des SARL – Analyse juridique parue dans le magazine OptIon Finance le 10 juillet 2017
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