Un décret du 3 mai 2017 précise les modalités de publicité des accords collectifs
13 juin 2017
La loi Travail du 8 août 2016 prévoit la publication de l’ensemble des conventions et accords collectifs, sur une base de données nationale accessible gratuitement en ligne et gratuite à partir du 1er septembre 2017. Un décret du 3 mai 2017 vient préciser la procédure applicable qui laisse toutefois subsister des incertitudes.
La publicité des accords collectifs résulte d’une proposition du Rapport Combrexelle visant à développer la connaissance du droit conventionnel en favorisant la mise en commun et l’accès aux conventions et accords signés. Un des objectifs est de faciliter le partage de bonnes pratiques notamment en matière d’égalité femme/homme et de handicap.
Cet objectif de publicité doit néanmoins être concilié avec la protection des intérêts de l’entreprise. En effet, certains accords peuvent contenir des informations sensibles sur la situation économique et financière de l’entreprise, sa stratégie, sa politique en matière de ressources humaines ou encore des informations confidentielles relevant par exemple du secret industriel et commercial.
C’est la raison pour laquelle la loi Travail a prévu deux exceptions à la publicité systématique des conventions et accords collectifs : la publication partielle et l’anonymisation des conventions et accords dont les modalités ont été précisées par le décret du 3 mai 2017.
1re exception : la conclusion d’un acte de publication partielle
Les signataires peuvent convenir qu’une partie de la convention ou de l’accord ne soit pas publiée sur la base de données nationale. Bien que le décret ne reprenne pas la condition d’unanimité des signataires, telle qu’envisagée dans le cadre des travaux parlementaires, la procédure mise en place par le décret n’en reste pas moins exigeante.
Les partenaires sociaux devront obligatoirement conclure un acte de publication partielle qui doit être signé, d’une part, par la majorité des organisations syndicales signataires de l’accord et, d’autre part :
- pour les accords de groupe, d’entreprise et d’établissement : par le représentant légal du groupe, de l’entreprise ou de l’établissement ;
- pour un accord interentreprises : par les représentants légaux de celles-ci ;
- pour les accords de branche : par une ou plusieurs organisations professionnelles d’employeurs signataires.
L’acte de publication partielle sera joint au moment du dépôt de l’accord, qui sera alors publié avec l’indication que cette publication est partielle.
Bien entendu, cette demande ne pourra pas concerner les accords étendus qui sont nécessairement publiés dans leur intégralité.
La motivation de l’acte de publication partielle
Le décret impose en outre que cet acte de publication partielle soit motivé. Il ajoute cependant que cette motivation est sans incidence sur la légalité de la convention ou de l’accord.
Il appartiendra dès lors aux partenaires sociaux de préciser les raisons qui font obstacle à la publication intégrale de la convention ou de l’accord collectif. Ils pourraient ainsi évoquer la présence d’informations sensibles dans l’accord relatives à la situation de l’entreprise, sa stratégie, etc.
Le niveau de l’exigence de motivation n’est toutefois pas précisé par le décret. Il est ainsi difficile de dire quel degré de précision est attendu par l’Administration, ni quelles seraient les conséquences d’un acte insuffisamment voire non motivé. L’accord serait-il publié intégralement dans ce cas ?
L’étendue de la publication partielle pourrait par ailleurs constituer une source de contentieux. En effet, le décret ne fixe aucune limite quant à la possibilité pour les signataires de soustraire une partie, plus ou moins importante, de l’accord à la publication. Faut-il en déduire qu’une liberté totale est laissée aux partenaires sociaux en la matière ? Qu’adviendrait-il d’un accord dont l’essentiel des clauses échappent à la publication ?
2e exception : la publication de l’accord dans une version partiellement anonymisée
A défaut de trouver un accord sur la publication partielle, chaque partie conserve la possibilité de demander unilatéralement la suppression des noms et prénoms des négociateurs et signataires.
Cette demande devra comporter :
- l’indication par le représentant légal du groupe, de l’entreprise ou de l’établissement ou par les représentants légaux dans le cas d’un accord interentreprises ou par l’organisation syndicale signataire du nom, prénom et qualité de son représentant dûment mandaté à cet effet,
- l’intitulé de la convention ou de l’accord,
- la date et le lieu de sa signature.
La demande d’anonymisation est transmise au moment du dépôt de l’accord par la partie la plus diligente. Les autres signataires peuvent, dans un délai d’un mois suivant le dépôt de l’accord, formuler la même demande.
La rédaction du décret pose ici à nouveau problème. En effet, en visant expressément la suppression des « noms et prénoms », le texte semble exclure toute possibilité d’anonymisation au bénéfice de la personne morale. Dès lors, la dénomination de la société ne pourrait être supprimée dans la convention ou l’accord et seule la partie qui la représente pour la négociation pourrait bénéficier de l’anonymisation.
La seule exception permettant de conserver effectivement les intérêts de l’entreprise resterait dans ce cas la conclusion d’un acte de publication partielle.
Des exceptions pouvant être combinées ?
Le texte ne semble pas s’opposer à la combinaison des deux exceptions, c’est-à-dire à ce que l’accord soit à la fois anonymisé et amputé des clauses sensibles.
Une période transitoire jusqu’au 1er octobre 2018
Le décret prévoit qu’à titre transitoire l’ensemble des conventions et accords collectifs conclus à partir du 1er septembre 2017 seront publiés dans une version ne comportant pas les noms et prénoms des négociateurs et signataires. Là encore la question se pose de savoir si cela exclut ou non la dénomination de la société.
Auteur
Ludovique Clavreul, avocat en droit social.
Un décret du 3 mai 2017 précise les modalités de publicité des accords collectifs – Article paru dans Les Echos Business le 12 juin 2017
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