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Cadeaux et bons d’achat : le juge s’affranchit de la tolérance administrative

Cadeaux et bons d’achat : le juge s’affranchit de la tolérance administrative

Par un arrêt du 30 mars 2017, la Cour de cassation a rappelé qu’elle n’était pas liée par les lettres et instructions ministérielles existantes en matière de sécurité sociale dans une affaire où elle a refusé l’application de la tolérance fondant l’exonération des cadeaux et bons d’achat.


Exonération des cadeaux et bons d’achat, une tolérance administrative ancienne et encadrée

Depuis près de 30 ans, les cadeaux et bons d’achat octroyés aux salariés bénéficient d’une tolérance administrative permettant leur non-assujettissement aux cotisations sociales. Une instruction ministérielle du 17 avril 1985, complétée par une lettre ministérielle du 12 décembre 1988 et reprise en dernier lieu par la lettre-circulaire ACOSS n°2011-24 du 21 mars 2011, prévoit que les cadeaux et/ou bons d’achat attribués par les comités d’entreprise (ou les entreprises en l’absence de comité d’entreprise) à un même salarié au cours d’une année à l’occasion d’événements qui ne dépassent pas 5% du plafond mensuel de la sécurité sociale (163,45 € en 2017) sont présumés être utilisés conformément à leur objet et donc exonérés de cotisations et contributions sociales.

Une tolérance qui doit, selon l’URSSAF, respecter les principes de non-discrimination et d’égalité de traitement

Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 30 mars 2017, l’URSSAF n’a pas remis en cause le principe et les conditions de la tolérance administrative en matière de cadeaux et bons d’achat. Elle a toutefois considéré que cette tolérance ne pouvait pas jouer si l’avantage était attribué sur la base de critères discriminatoires ou non-objectifs et pertinents. Plus particulièrement, des chèques cadeaux avaient été attribués par une association à ses salariés à l’occasion de Noël, sur la base du nombre de mois de présence dans l’entreprise au cours de l’exercice écoulé. L’URSSAF considérait qu’un critère en lien avec l’activité professionnelle du salarié (ancienneté ou présence effective dans l’entreprise) ne constituait pas un critère objectif et pertinent de nature à permettre une différence de traitement en matière de bons d’achat de Noël. Elle avait donc réintégré la valeur des chèques cadeaux dans l’assiette des cotisations sociales.

La tolérance administrative en matière de cadeaux et bons d’achat ne lie pas le juge…

L’association a contesté le redressement opéré par l’URSSAF sur le fondement de la tolérance administrative issue de la lettre ministérielle du 12 décembre 1988 et de la lettre-circulaire ACOSS n°2011-24 du 21 mars 2011. Elle a ajouté que le critère d’ancienneté constituait un critère objectif et non-discriminatoire. La cour d’appel de Colmar a confirmé l’annulation du redressement prononcée par le TASS du Bas-Rhin en se fondant sur les positions du Ministère et de l’ACOSS et en considérant que les bons d’achat devaient bénéficier de la présomption de non-assujettissement résultant de la tolérance administrative.

La Cour de cassation a invalidé ce raisonnement sur le fondement de l’article 12 du Code de procédure civile (« le juge tranche les litiges conformément aux règles de droit applicables »). Selon elle, la Cour d’appel ne pouvait fonder sa décision de non-assujettissement sur une circulaire et lettre ministérielle dans la mesure où ces textes sont « dépourvus de toute portée normative ». La Cour de cassation a donc cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel de Colmar, avant de renvoyer l’affaire devant la cour d’appel de Metz.

… mais demeure appliquée par l’URSSAF

En effet, ni le ministère, ni l’ACOSS, ni l’URSSAF n’ont à ce jour remis en cause la tolérance administrative liée à l’octroi de cadeaux et bons d’achat ne dépassant pas 5% du plafond mensuel de la sécurité sociale, qui est d’ailleurs toujours rappelée sur le site internet de l’URSSAF. Concrètement, cela signifie qu’elle demeure applicable et que l’URSSAF ne procèdera pas à un redressement dès lors que les cadeaux et bons d’achat sont attribués sur la base de critères respectant les principes de non-discrimination et d’égalité de traitement. En revanche, dès lors que l’URSSAF considère que ces règles ne sont pas respectées et qu’elle redresse, les entreprises ne pourront rien attendre du juge qui fera fi de la tolérance et refusera d’annuler le redressement sur ce fondement. Il serait donc souhaitable, dans un souci de sécurité juridique, que cette tolérance trentenaire soit reprise dans une circulaire ou instruction du ministre chargé de la sécurité sociale régulièrement publiée et donc opposable à l’URSSAF en application de de l’article L. 243-6-2 du Code de la sécurité sociale.

 

Auteur

Emilie Bourguignon, avocat en droit social.

Cadeaux et bons d’achat : le juge s’affranchit de la tolérance administrative – Article paru dans Les Echos Business le 22 mai 2017
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