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Ouverture des bases de données d’archives publiques : une collectivité ne peut pas se prévaloir du droit sui generis du producteur de bases de données

Ouverture des bases de données d’archives publiques : une collectivité ne peut pas se prévaloir du droit sui generis du producteur de bases de données

Depuis la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 relative au droit de communication et de réutilisation des informations publiques, certaines données publiques comme les archives départementales peuvent être utilisées ou exploitées par des personnes privées.


La société Notrefamille.com, qui propose en accès payant une base généalogique générée à partir des éléments d’état civil et des recensements des départements, a déjà, sur ce fondement, introduit un certain nombre d’actions visant à faire annuler par le juge administratif le refus de certaines collectivités de communiquer leurs archives. Avec plus ou moins de succès.

La société avait ainsi obtenu gain de cause, dans une affaire l’opposant au département du Cantal, lequel s’opposait à la communication des données sur le fondement de la loi dite « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 : la cour administrative d’appel (CAA) de Lyon avait fait prévaloir le principe de libre réutilisation des données publiques (CAA Lyon, 4 juillet 2012, n°11LY02325). En revanche, dans une action introduite contre le Conseil général de la Vienne, dont l’objection était fondée sur la protection des producteurs de bases de données par le droit sui generis, la CAA de Bordeaux l’avait déboutée (CAA Bordeaux, 26 février 2015, 13BX00856 : voir notre commentaire sur cet arrêt).

C’est en cassation de cette dernière décision que le Conseil d’Etat est récemment intervenu (CE, 8 février 2017, n°389806) : la Haute juridiction a jugé que la loi du 17 juillet 1978 fait obstacle à ce qu’une personne publique « [puisse] se fonder sur les droits que tient le producteur de bases de données de l’article L.342-1 du Code de la propriété intellectuelle, pour s’opposer à l’extraction ou à la réutilisation du contenu de telles bases, lorsque ce contenu revêt la nature d’informations publiques ». Il est ainsi considéré que la disposition spéciale du Code de la propriété intellectuelle protégeant le producteur de base de données ne permet pas de déroger au régime général de réutilisation des informations du secteur public. La position retenue par la CAA de Bordeaux est donc réfutée.

Il est vrai que l’argumentaire retenu par le juge d’appel était contestable : il avait considéré que l’investissement financier, matériel et technique réalisé par le département pour constituer l’ensemble des fichiers archivés, classés et numérisés permettait à ce dernier d’obtenir la protection sui generis de la base de données ainsi produite. Pour autant, le caractère substantiel des investissements, critère classiquement appliqué pour déterminer si le bénéfice du droit sui generis peut être invoqué, n’avait aucunement été démontré. Mais l’argumentaire du Conseil d’Etat, qui fait prévaloir le droit de communication des données sur le droit sui generis, alors même que l’existence de ce droit ne serait pas contestée, est également discutable.

Cette décision a été rendue sous l’empire des règles applicables avant l’adoption du nouveau régime de réutilisation des informations du secteur public, par la loi n°2015-1779 du 28 décembre 2015. Nul doute que sur le fondement de ces nouvelles dispositions, la solution de la Haute juridiction aurait a fortiori été également favorable à Notrefamille.com. Peut-être la récente réforme a-t-elle a posteriori influencé l’analyse des juges, qui n’ont pas voulu se positionner à rebours de l’air du temps…

 

Auteurs

Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.

Hélène Chalmeton, juriste au sein du Département droit des affaires, en charge du knowledge management.

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