Une entreprise commet-elle un acte anormal de gestion en décidant ne pas compenser ses dettes et créances ?
Une société française est la filiale à 100% de sa mère américaine. En 2002, une procédure de faillite est ouverte aux Etats-Unis contre la société mère, et la filiale constitue une provision pour créance douteuse représentant 100% de la créance qu’elle détient sur sa mère.
Lors d’un contrôle, l’administration constate que la société française était à la fois créancière et débitrice de sa société mère, et refuse alors la déduction de la provision à hauteur des dettes de la société française à l’égard de la société américaine. Elle assortit le redressement d’une pénalité pour mauvaise foi de 40% de ces droits.
La compensation dont il est question est celle des articles 1289 et s. du Code civil aux termes desquels, lorsque deux personnes se trouvent débitrices l’une envers l’autre, il s’opère entre elles une compensation réalisée « de plein droit par la seule force de la loi, même à l’insu des débiteurs », à condition que les dettes aient pour objet une somme d’argent et qu’elles soient liquides et exigibles.
Un créancier, juge le Conseil d’Etat, peut ne pas procéder à cette compensation légale. L’administration, si elle souhaite redresser la société, doit alors prouver que le défaut de compensation ne répond pas à l’intérêt de l’entreprise et relève d’une gestion commerciale anormale.
Au cas particulier, la filiale, précise le juge, savait sa société mère en faillite et ne pouvait pas ignorer que le fait de ne pas procéder à la compensation allait compromettre irrémédiablement une fraction de la créance qu’elle détenait sur sa mère. La compensation était admise dans ce cas par le droit américain et était donc possible. Le fait de volontairement s’abstenir de la réaliser a pu, à bon droit, être regardé comme ne répondant pas à l’intérêt propre de la société et constituer acte anormal de gestion (CE, 22 février 2017, n°387661).
Auteur
Emmanuelle Féna-Lagueny, avocat Counsel en matière d’impôts directs au sein du département de doctrine fiscale