L’absence de contrat écrit n’empêche pas de revendiquer l’existence d’une relation commerciale établie
La cour d’appel de Paris revient dans un arrêt du 27 octobre 2016 (CA Paris, 27 octobre 2016, n°15/01355) sur un principe déjà bien établi en jurisprudence selon lequel l’absence de contrat écrit n’empêche pas de revendiquer l’existence d’une relation commerciale établie. L’arrêt mérite toutefois lecture car il permet de préciser les éléments matériellement pris en considération pour caractériser l’existence d’une relation commerciale établie.
En l’espèce, il s’agissait de relations entre deux sociétés appartenant à un même groupe, l’une fabricant et fournisseur de dispositifs antivibratoires, l’autre acheteur de ces dispositifs. Au moment de quitter le groupe, la société acheteuse avait décidé de cesser toute relation avec son fournisseur.
Ce dernier avait alors assigné son ancien client pour rupture brutale des relations commerciales établies sur le fondement de l’article L.442-6 I 5° du Code de commerce. Il avait obtenu gain de cause en première instance, les juges ayant considéré qu’il aurait dû bénéficier d’un préavis de dix-huit mois. Le client a interjeté appel devant la cour d’appel de Paris.
La Cour considère que la relation était stable et s’était même intensifiée jusqu’à la rupture en s’appuyant sur l’étude du volume d’affaires entre les parties, matérialisé par des factures relatives à des chantiers, des écritures comptables dans le grand livre ainsi que par des attestations de l’expert-comptable. En dépit de l’absence de contrat écrit, l’existence de la relation ne faisait donc pas de doute. Cette conclusion est conforme aux principes du droit civil puisque, sauf exception, le Code civil retient le principe du consensualisme. S’il n’est pas nécessaire en principe d’établir un écrit pour que les tribunaux puissent retenir l’existence d’un contrat, il est tout aussi logique qu’un écrit ne soit pas nécessaire pour retenir une succession de contrats traduisant l’existence d’une relation commerciale établie.
La Cour relève également que « le caractère établi de la relation commerciale est apprécié principalement au regard de trois critères : la durée (ou l’ancienneté), la stabilité (ou la continuité) et l’intensité de la relation ». La Cour considère à cet égard que l’absence de contrat écrit est inopérante au regard de ces critères. Elle retient en l’espèce que l’évolution du chiffre d’affaires suffit à attester l’existence de cette relation commerciale établie.
Enfin la Cour constate que le commencement de la relation devait dater de l’an 2000 et que cette relation s’était poursuivie en s’intensifiant jusqu’à la rupture en 2009.
Or, alors que la relation n’avait duré « que » neuf ans, la Cour confirme la décision des premiers juges qui avaient retenu que le fournisseur aurait dû bénéficier d’un préavis de dix-mois mois au motif qu’il convient de tenir compte de la durée de la relation mais également « des autres critères retenus par la jurisprudence« .
Cette solution, sévère au cas d’espèce, permet aussi de rappeler que la durée des relations n’est pas le seul critère pris en compte par la jurisprudence, en dépit de la lettre du texte, pour déterminer la durée du préavis et que le respect du principe qui semble se dégager selon lequel il faudrait accorder a minima un mois de préavis par année d’ancienneté de relation n’est pas, en soi, une garantie suffisante pour ne pas engager sa responsabilité sur le fondement de l’article L.442-6 I 5°.
Auteurs
Brigitte Gauclère, avocat counsel en droit commercial, de la distribution et immobilier.
Miléna Oliva, avocat en droit commercial et droit de la distribution.