Conséquences imprévues de la transformation d’une SA en SAS sur une clause d’earn out
L’organisation de la direction de la société par actions simplifiée (SAS) est gouvernée par deux principes directeurs issus du Code de commerce : l’exclusion des règles relatives à la direction et à l’administration de la société anonyme (SA) (L. 227-1 al. 3) et la fixation par les statuts des conditions dans lesquelles la SAS est dirigée (L. 227-5).
Dans un arrêt du 25 janvier 2017 (n°14-28.792 FS-PBRI), la Chambre commerciale de la Cour de cassation semble avoir tiré une conséquence radicale de la combinaison de ces deux textes.
Dans cette affaire, un administrateur d’une SA avait cédé sa participation dans la société. Le protocole de cession d’actions comportait une clause de révision de prix. Celle-ci stipulait que le prix de vente serait diminué en cas de baisse du chiffre d’affaires et à condition que le cédant soit maintenu à son poste d’administrateur.
De manière générale, il faut noter qu’une clause de révision de prix ou d’earn out, peut constituer une pratique risquée si les modalités de sa mise en oeuvre ne sont pas rédigées avec précision.
Dans cet arrêt, la clause de révision de prix était claire et valide. Néanmoins, quelque temps après la cession d’actions, l’assemblée générale de la SA avait voté la transformation de celle-ci en SAS. Les nouveaux statuts ne prévoyaient pas de conseil d’administration. Se prévalant d’une baisse du chiffre d’affaires, le cessionnaire demandait alors la mise en oeuvre de la clause de révision de prix.
Pour faire droit à sa demande, la cour d’appel de Paris relève que si les statuts de la SAS ne font certes plus référence à un conseil d’administration, les documents produits aux débats attestent de son maintien (CA Paris, 24 juin 2014, n°13/04951). Le cessionnaire avait notamment fourni à la Cour un avis de publication dans un journal d’annonces légales mentionnant le maintien d’un conseil d’administration et des procès-verbaux du conseil d’administration post-transformation.
Saisie d’un pourvoi contre cet arrêt, la Cour de cassation était donc interrogée sur l’applicabilité de la clause de révision de prix alors même que le cédant était devenu un administrateur « de fait ». Et, incidemment, c’est la possibilité, dans une SAS, de fonder l’existence d’un organe de direction sur des documents extrastatutaires qui était en jeu.
La Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel en affirmant que «seuls les statuts de la SAS fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée», ce qui conduit à écarter l’application de la clause de révision de prix.
Cet attendu de principe semble donc devoir être interprété comme invalidant toute disposition extra-statutaire relative à la direction d’une SAS. Ceci est tout de même surprenant si l’on connaît la multiplicité des pactes d’actionnaires réglant cette question.
Par cette décision, la Cour de cassation a certainement voulu rappeler, à juste titre, que la liberté contractuelle gouvernant la SAS doit nécessairement être encadrée par les statuts. Dans une certaine mesure, l’arrêt aura sans doute pour conséquence de redessiner les contours de la liberté extra-statutaire des associés d’une SAS, même si la portée exacte de cette décision demeure
incertaine.
Enfin, il ne faut pas oublier que cet arrêt est rendu dans le contexte particulier d’une clause de révision de prix et, qu’à ce titre, il peut interpeller. En effet, le cessionnaire avait ici la quasi-maîtrise de son application. Fort heureusement, la clause était défavorable au cédant. Mais quelle aurait été la solution dans l’hypothèse inverse ?
Cette décision est donc l’occasion de rappeler que la mise en oeuvre d’une telle clause ne doit jamais être exclusivement subordonnée à la volonté de celui qui s’oblige.
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Auteur
Christophe Lefaillet, avocat associé en fiscalité (droits d’enregistrement et ISF) et en Corporate/Fusions & acquisitions