L’octroi de prêts par les organismes de titrisation, outil de financement de l’économie
La volonté de renforcer la croissance en Europe, notamment en favorisant la diversification des sources de financement des entreprises, fait émerger des offres de financements alternatifs. Dans cette perspective, les fonds d’investissement alternatifs (« FIA« ), et plus particulièrement en France, les fonds professionnels spécialisés (« FPS« ), les fonds professionnels de capital investissement (« FPCI« ) et les organismes de titrisation (« OT« ), ont désormais la possibilité d’octroyer, sous certaines conditions, des prêts aux entreprises.
S’agissant des OT, la loi de finances rectificative du 29 décembre 2015 et la loi du 9 décembre 2016 (« Loi Sapin II ») disposent qu’ils peuvent consentir des prêts, (i) soit aux entreprises non financières dans des conditions et limites fixées par décret en Conseil d’Etat (le « Cadre Général« ), (ii) soit aux entreprises dans les conditions fixées par le règlement n°2015/760 sur les fonds européens long terme (FEILT ou ELTIF en anglais) applicable en France depuis le 9 décembre 2015, sous réserve que l’OT remplisse les conditions requises pour pouvoir utiliser la dénomination « ELTIF » (le « Cadre ELTIF« ).
Au titre de l’article L.214-169 III du Code monétaire et financier (« CMF« ), un OT peut donc octroyer directement des prêts, en sus de l’acquisition des créances. En effet, les OT bénéficiaient déjà d’un cadre juridique particulièrement performant pour l’acquisition de créances et cette nouvelle possibilité d’octroyer des prêts en fait potentiellement un véhicule efficace de financement de l’économie.
S’agissant du Cadre Général, après l’introduction par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2015 de la faculté pour les OT de prêter, la Loi Sapin II a fixé trois grands principes auxquels sont soumis les OT (comme les autres FIA précités), qui doivent être complétés par un décret d’application. Compte tenu des enjeux de stabilité financière et de protection des épargnants, ces principes visent à encadrer les conditions dans lesquelles les FIA peuvent prêter hors du Cadre ELTIF. Un cadre particulier est en effet nécessaire puisque les prêts octroyés, comme les créances acquises, ne sont pas nécessairement liquides et les FIA ne sont pas soumis aux mêmes exigences prudentielles que les établissements de crédit. Les trois principes édictés sont les suivants : les prêts ne peuvent être accordés qu’à des entreprises non financières (ou à des holdings investissant dans des entreprises non financières) ; la durée de vie des prêts devra être inférieure à celle des FIA concernés et les rachats de parts ou actions comme le recours à l’effet de levier seront limités. Il convient de noter que le paragraphe II de l’article L.214-169 du CMF disposant depuis toujours que les OT ne peuvent procéder au rachat de leurs parts ou actions à la demande de leurs porteurs, la condition limitant le rachat de parts ou d’actions n’est pas réellement une contrainte pour les OT.
Reste que le décret du 24 novembre 2016, portant application de la loi du 29 décembre 2015, précise uniquement les conditions dans lesquelles les FPS et les FPCI peuvent prêter dans le Cadre Général. L’absence de décret d’application concernant les OT semble s’expliquer par la volonté du législateur et du Gouvernement de clarifier le statut des OT en distinguant, d’une part, les OT classiques dont l’activité relève de la qualification européenne de la titrisation et, d’autre part, les FIA ayant pour objectif le financement d’infrastructures ou de prêts à l’économie. Ce faisant, même si l’on peut partager ce souci de clarification et d’harmonisation, il est important de conserver un régime juridique efficace et simplifié, comme celui des OT, pour des véhicules qui peuvent cumulativement acquérir des créances et octroyer des prêts.
Par ailleurs, les OT ont la capacité de prêter dans le Cadre ELTIF, sous réserve de quelques précautions lors de la mise en œuvre de ce cadre. En effet, le label ELTIF ne peut être accordé qu’à des FIA gérés par des gestionnaires agréés conformément à la directive AIFM . Les OT sont des FIA mais sont parfois gérés par des sociétés de gestion non-AIFM. Il conviendra donc de réserver la possibilité pour un OT de prêter dans le Cadre ELTIF aux OT gérés par une société de gestion soumise à AIFM. Pour le reste, les OT constituent un excellent outil, souple et efficace dans le Cadre ELTIF.
Auteur
Magali Béraud, avocat en financements structurés et titrisation