Retrait des outils professionnels du salarié dispensé de préavis : possible mais sous conditions
28 mars 2017
Lorsque le contrat de travail d’un salarié est rompu et que l’employeur le dispense de l’exécution de son préavis, il convient de s’interroger sur les outils de travail susceptibles de lui être retirés durant cette période.
La dispense de préavis : une suspension d’exécution du contrat dans l’attente d’une rupture définitive des relations contractuelles
Lorsque le contrat de travail est rompu, qu’il s’agisse notamment d’un licenciement ou encore d’une démission, le salarié et l’employeur sont tenus de respecter un préavis dont la durée varie selon les dispositions de la convention collective ou de la loi.
La période de préavis peut permettre au salarié de rechercher un emploi et à l’employeur de trouver un remplaçant à son collaborateur.
Il est assez fréquent que l’employeur choisisse de dispenser le salarié de l’exécution de son préavis. Cette dispense est parfois motivée par le souhait d’éviter que le maintien du salarié dans l’entreprise ne porte préjudice à cette dernière.
Dans une telle situation de dispense du préavis, le salarié n’a alors pas à exécuter sa prestation de travail mais perçoit sa rémunération habituelle.
Quand bien même le salarié est dispensé d’exécuter ses fonctions, le contrat de travail n’est pas considéré comme rompu, la rupture définitive n’intervenant qu’à l’issue de cette période de préavis.
Dans ces circonstances, et dès lors que le salarié est toujours dans les effectifs et doit percevoir sa rémunération habituelle, il convient de s’interroger sur le sort des outils mis à sa disposition par son employeur dans le cadre de ses fonctions.
Un possible retrait des outils utilisés à des fins exclusivement professionnelles
Lorsque l’employeur a fourni au salarié divers outils afin qu’il les utilise exclusivement à des fins professionnelles, dans le cadre de l’exercice des fonctions qui lui incombent au titre de son contrat de travail, il lui est possible, sous certaines conditions, de retirer ces outils durant la période de préavis non exécuté.
Peut notamment être concerné le véhicule de service.
Ainsi, la cour d’appel de Versailles a considéré dans une décision du 20 janvier 2000 que le salarié, dégagé de toute obligation d’accomplir son préavis, doit restituer à l’entreprise le véhicule mis à sa disposition et lié à son activité professionnelle dans la mesure où l’attribution de ce véhicule n’était pas destinée à augmenter sa rémunération par l’octroi d’un avantage qui aurait pu être, en lieu et place du véhicule, une prime mais à lui donner un moyen pratique pour lui permettre d’exercer sa mission de directeur général.
Le même raisonnement paraît s’imposer s’agissant de l’accès au serveur ou à la messagerie professionnels et de la mise à disposition d’un ordinateur portable.
La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 16 décembre 2009, a ainsi jugé : « Considérant qu’il est établi que les reproches adressés au salarié sur la qualité de son travail étaient justifiés par les carences constatées dans l’exécution de ses tâches et que la société Smart formation était bien fondée à dispenser le salarié de l’exécution du préavis, lequel commençait à la date de première présentation de la lettre notifiant le licenciement, soit le 19 mai 2006, et à lui retirer en conséquence dès cette date l’accès à sa messagerie professionnelle, son ordinateur portable, ses supports de cours et autres matériels professionnels ».
Il est ainsi permis à un employeur de retirer à un salarié, qu’il a dispensé de l’exécution du préavis, ses accès à sa messagerie professionnelle, son ordinateur portable, et les autres matériels professionnels dès la date de première présentation de la lettre de licenciement, donc dès le commencement du préavis.
Il convient toutefois de relever que la cour d’appel de Versailles vérifie au préalable que la dispense d’exécution était justifiée au regard des reproches adressés au salarié sur la qualité de son travail.
Les juges s’attachent ainsi à vérifier que la mesure de dispense d’exécution du travail n’est pas abusive.
Rappelons en effet que si la dispense de préavis s’impose au salarié et n’a pas à être motivée, l’employeur ne doit toutefois pas abuser de ce droit, sauf à risquer une condamnation à des dommages et intérêts en fonction du motif du licenciement et plus généralement du contexte dans lequel est prononcée la dispense.
Cette dispense et la privation des accès professionnels qui en résulte peuvent par exemple se justifier au regard des risques qu’un maintien dans l’entreprise pourrait engendrer notamment en termes de dégradation de la qualité du travail ou encore des risques de concurrence déloyale.
Il convient toutefois, bien évidemment, de réserver le cas où le salarié dispose d’un mandat de représentant du personnel.
Un retrait par principe interdit des outils utilisés à des fins professionnelles et privées
Dès lors que le salarié utilise les outils mis à sa disposition dans le cadre de ses fonctions à des fins tant professionnelles que privées et qu’un avantage en nature est comptabilisé à ce titre, le retrait de ces matériels durant la période de dispense de préavis est en principe interdit.
En effet, l’article L. 1234-5 alinéa 2 du Code du travail dispose que « l’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise ».
Cette règle s’applique aux avantages en nature puisque ces derniers constituent un élément de la rémunération du salarié.
Si l’employeur met fin à l’octroi de l’avantage de manière anticipée, il risque d’être condamné au versement d’une indemnité compensatrice (en ce sens, Cass. soc. 4 mars 1998 n°95-42.858 : « la cour d’appel qui a constaté que le véhicule de fonction pouvait être utilisé par M. X… pour ses besoins personnels, a pu décider qu’il s’agissait d’un avantage en nature dont la privation devait être compensée par une indemnité »).
De la même manière, il a été jugé que l’employeur ne peut pas résilier la police d’assurance couvrant l’utilisation personnelle et professionnelle afférente au véhicule personnel du salarié avant le terme du préavis (Cass. soc. 8 décembre 1993, n°90-21496).
A défaut de respecter ces règles, l’employeur s’expose à une action prud’homale du salarié qui pourrait réclamer la compensation de la perte de l’avantage en question.
Auteurs
Delphine Pannetier, avocat en droit du travail et droit de la sécurité sociale.
Chloé Sannier-Talbotier, avocat en droit social
Retrait des outils professionnels du salarié dispensé de préavis : possible mais sous conditions – Article paru dans Les Echos Business le 27 mars 2017
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