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Fin des tarifs réglementés, offres transitoires et de continuité de fourniture : suite

Fin des tarifs réglementés, offres transitoires et de continuité de fourniture : suite

Comme nous l’indiquions dans notre précédent article sur la ratification de l’ordonnance portant sur un dispositif de continuité de fourniture, les clients qui auraient dû sortir des tarifs réglementés mais qui ne l’ont pas fait sont automatiquement passés, pour une durée conçue à l’origine comme de six mois au maximum, en « offre transitoire » par l’effet du II (pour l’électricité) et du III (pour le gaz) de l’article 25 de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. Cette offre transitoire est une offre au tarif réglementé de vente, augmenté de 5%. Théoriquement, la fourniture d’énergie devait être interrompue si, au-delà de cette période de six mois, le client n’avait pas souscrit d’offre de marché auprès d’un fournisseur de son choix.

Face au nombre important des consommateurs demeurés passifs, le Gouvernement a pris, sur habilitation du législateur, des dispositions pour éviter les coupures d’énergie, par l’ordonnance n°2016-129 du 10 février 2016 « portant sur un dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché ». Cette ordonnance a été ratifiée par la loi n°2016-1341 du 11 octobre 2016, qui prévoit qu’à défaut d’avoir conclu un nouveau contrat avec un fournisseur de son choix le 30 juin 2016, un consommateur est réputé avoir accepté les conditions contractuelles du nouveau contrat de continuité de fourniture proposé par un fournisseur d’électricité ou de gaz qui aura été désigné, sur appel d’offres, par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). L’ordonnance précise que le cahier des charges peut prévoir un allotissement par zone géographique et par type de sites de consommation. Dans le cadre de ces contrats de continuité de fourniture, le prix facturé aux consommateurs et, le cas échéant, la formule d’évolution de ce prix sont déterminés par le cahier des charges ; le prix, qui doit inciter les consommateurs concernés à souscrire une offre de marché après avoir choisi un fournisseur, ne peut toutefois être majoré de plus de 30% par rapport aux prix usuellement pratiqués par les fournisseurs sur les marchés.

Un premier appel d’offres a été lancé le 17 mars 2016 : la CRE a désigné les fournisseurs chargés d’assurer la continuité de fourniture par délibération du 4 mai 2016. Il est prévu que les sites basculant dans le dispositif de continuité de fourniture au 1er juillet 2016 y restent jusqu’à ce que leurs consommateurs choisissent une offre de marché ; à l’issue de la première année du contrat de « continuité de fourniture », les fournisseurs seront libres de faire évoluer les conditions du contrat, à l’exception des modalités de résiliation, aux termes du IV de l’article 1er de l’ordonnance du 10 février 2016.

Ce premier appel d’offres n’a cependant pas permis de faire basculer dans le dispositif de continuité de fourniture tous les sites de consommation qui étaient demeurés en offre transitoire, du fait de l’infructuosité d’un certain nombre de lots. Ces sites de consommation sont ainsi restés en offre transitoire, en application du III de l’article 1er de l’ordonnance du 10 février 2016, tout comme ceux qui n’avaient pas été intégrés dans l’un des lots de ce premier appel d’offres. De plus, un certain nombre de sites de consommation de gaz naturel sont passés en offre transitoire : ceux qui, du fait de la mise à jour des consommations annuelles de référence au 1er avril 2016, avaient un niveau de consommation qui ne leur permettait plus de bénéficier des tarifs réglementés de vente.

Le 4 novembre 2016, un nouvel appel d’offres a été publié sur le site Internet de la CRE. Celle-ci a désigné les lauréats par délibération du 14 décembre 2016. Comme pour le premier appel d’offres, des lots ont été déclarés infructueux et plusieurs milliers de sites sont en conséquence demeurés en offre transitoire : selon la délibération de la Commission, « 2 700 en électricité et 3 600 en gaz naturel ». De fait, le niveau des offres transitoires n’est pas suffisamment élevé pour inciter les consommateurs passifs à souscrire une offre de marché. Le régulateur recommande donc, par cette même délibération, d’élever le prix des offres transitoires, de façon à renforcer cette incitation.

Cette situation démontre qu’il existe en France une véritable barrière psychologique au changement de fournisseur d’électricité ou de gaz, indépendamment de toute pratique coupable des opérateurs historiques. Le législateur est en partie responsable de cet état d’esprit : alors que les tarifs ont disparu dès l’ouverture des marchés au Royaume-Uni ou en Allemagne, il y aura bientôt vingt ans, le Parlement n’a eu de cesse, en France, d’inventer des dispositifs pour les perpétuer, sous des formes diverses. Il n’est donc pas surprenant que de nombreux chefs d’entreprise croient que ce énième dispositif a également pour objet de maintenir purement et simplement le statu quo. Enfin, pour être réel, l’écart entre les prix de détail sur les marchés et les tarifs des offres transitoires ou de continuité de fourniture n’est sans doute pas suffisamment marqué pour que le signal économique surpasse le sentiment séculaire de fatalité face aux évolutions tarifaires de l’électricité et du gaz.

 

Auteur

Aurore-Emmanuelle Rubio, avocat en droit de l’énergie et droit public

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