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Le droit à la déconnexion

Le droit à la déconnexion

En instaurant le droit à la déconnexion, la loi Travail du 8 août 2016 incite les employeurs à trouver, par la voie de la négociation collective, un juste équilibre entre les besoins de l’entreprise et le repos effectif des salariés.

Un droit consacré par le législateur

Le droit à la déconnexion a vu le jour en Allemagne par la mise en place de projets pilotes au sein de grands groupes ayant réalisé que la connexion permanente de leur salariés présentait des risques, même si dans le même temps les salariés aspiraient à plus de flexibilité dans l’organisation de leur temps de travail.

En France, les juges ont été les premiers à aborder la question de la disponibilité permanente des salariés. Ainsi, dans un arrêt du 17 février 2004, la Cour de cassation a estimé que le fait de ne pas être joignable en dehors des horaires de travail sur son téléphone portable personnel n’a aucun caractère fautif. Envisagé de la sorte, le droit à la déconnexion du salarié est le droit de ne pas répondre aux mails ou appels en dehors du temps de travail.

Les partenaires sociaux se sont ensuite saisis de la problématique avec l’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 qui a lancé les premières pistes de réflexion et a, en particulier, suggéré de prévoir des temps de déconnexion permettant une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle des salariés.

En parallèle, le droit à la déconnexion a également fait l’objet de plusieurs rapports, dont notamment celui rendu par Bruno Mettling en septembre 2015, ayant mis en évidence les changements majeurs liés à l’introduction du numérique dans la vie professionnelle et par conséquent à la porosité croissante entre les sphères professionnelles et personnelles.

Aboutissement de ces réflexions, la loi Travail du 8 août 2016 est venue consacrer légalement le droit à la déconnexion des salariés.

Que prévoit le nouveau texte ?

Aux termes de la loi Travail, le droit à la déconnexion est avant tout envisagé comme une obligation de négocier. L’employeur et les syndicats, à l’occasion de la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail, devront envisager « les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise des dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale ».

Une large amplitude est laissée aux négociateurs qui pourront choisir de mettre en place des mécanismes plus ou moins contraignants.

Si la priorité est donnée à la négociation collective, les petites entreprises ne sont pas moins concernées puisque les entreprises dépourvues de délégués syndicaux ou ne parvenant pas à conclure un accord, ne sont pas dispensées. Elles devront dans ce cas, élaborer une charte ou des règles de bonnes pratiques prévoyant -entre autres- des actions de formation et de sensibilisation (éviter les envois d’e-mails en dehors du temps de travail, s’interroger sur le moment le plus opportun pour envoyer un e-mail, avoir recours aux fonctions d’envoi différé, etc.).

Un garde-fou pour les employeurs ?

La reconnaissance d’un droit à la déconnexion vise certes à protéger la vie privée des salariés et limiter les risques psycho-sociaux mais elle devrait également permettre de limiter certains risques pour les entreprises et d’améliorer leur image d’employeurs responsables.

Attention toutefois à ne pas mettre en place un système trop rigide qui pourrait être incompatible avec le fonctionnement de l’entreprise ou l’autonomie dont disposent certains salariés.

Rapide tour d’horizon des entreprises ayant d’ores et déjà un accord relatif à la déconnexion

Plusieurs entreprises ont anticipé la loi Travail et ont déjà prévu des dispositifs relatifs au droit à la déconnexion des salariés. Ainsi, l’accord de branche Banque Populaire du 6 juillet 2016 sur les conditions de vie au travail instaure notamment des règles de bonnes pratiques relatives à l’utilisation de la messagerie et des outils à distance, l’absence d’obligation de répondre aux e-mails en dehors du temps de travail, la définition d’une liste de comportements à adopter ou encore la possibilité d’alerter la hiérarchie en cas de « débordements ».

Plus récemment, la société Orange a pris, dans un accord du 27 septembre 2016 relatif à l’accompagnement de la transformation numérique, des engagements pratiques en faveur de la déconnexion. Il est, entre autres, prévu la réalisation d’une étude sur l’utilisation des outils numériques et de leur impact sur les conditions de travail, la mise place d’un droit à ne pas répondre aux messages professionnels le soir, le week-end et pendant les congés et un temps de non utilisation de la messagerie électronique notamment pendant les réunions afin de favoriser la concentration.

 

Auteur

Caroline Froger-Michon, avocat associée, droit social, CMS Bureau Francis Lefebvre

 

Le droit à la déconnexion – Article paru dans L’Usine Digitale le 16 février 2017
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