La position de l’ESMA sur les classes d’actions
La European Securities and Markets Authority (ESMA) a rendu le 30 janvier 2017¹ son opinion (l’ « Opinion ») sur la faculté pour un organisme de placements collectifs en valeurs mobilières (« OPCVM »)² de comporter différentes catégories de parts ou d’actions.
Pour rappel, le droit français³ reconnaît la possibilité pour un OPCVM, ou un de ses compartiments4, d’émettre différentes catégories de titres dont les caractéristiques peuvent varier, les différences entre ces catégories étant encadrées par l’article 411-22 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers. A cet égard, si le principe de ségrégation des pertes apparaît entre compartiments, il n’existe pas entre catégories.
L’ESMA dégage dans sa position quatre principes applicables à la création de catégories dans un OPCVM :
- le principe de communauté d’objectif d’investissement
Le régulateur européen considère que, si des catégories de titres peuvent être distinguées selon la qualité des investisseurs (investisseurs de détail/investisseurs institutionnels) ou le montant des frais de gestion, le recours à des produits dérivés au sein de certaines catégories ne saurait conduire, dans la mesure où les catégories d’un même OPCVM ou compartiment d’un OPCVM sont liées à une même poche d’actifs, à l’apparition de différences entre les profils de risques de ces catégories. Dès lors, le recours à des instruments de couverture n’est, dans l’Opinion, admissible qu’en couverture du risque de change ;
- le principe de non contagion
Le corollaire du précédent principe est celui d’empêcher que l’exposition au titre d’un dérivé conclu dans l’intérêt d’une catégorie puisse affecter négativement une autre catégorie. L’ESMA propose ainsi un certain nombre de règles visant à :
- obliger les sociétés de gestion de portefeuille des OPCVM (« SGP ») à contrôler le niveau d’exposition ;
- réaliser des stress-tests sur le risque de contagion ; et
- interdire que les obligations de paiement au titre d’un dérivé conclu dans l’intérêt d’une catégorie excèdent les actifs attribuables à ladite catégorie. L’ESMA reconnaît cependant que, dans la mesure où les OPCVM se caractérisent par leur caractère ouvert (souscription/rachat fréquents), l’exposition peut s’établir dans une fourchette de 95 à 105% de la valeur des actifs de la catégorie considérée ;
- le principe de prédétermination
Dès lors que le recours aux dérivés doit être encadré selon les principes précédents, l’Opinion requiert des OPCVM concernés que la faculté de réaliser une couverture du risque sur devise ne reste pas de l’absolue discrétion des SGP, de sorte qu’un investisseur dans une catégorie soit clairement informé de sa situation par rapport au risque de contagion ;
- le principe de transparence
Enfin, dans la mesure où la situation des investisseurs est affectée par les autres catégories d’un OPCVM, l’ESMA prend logiquement position pour que des informations claires soient communiquées aux investisseurs sur ces catégories et sur les techniques de couverture.
Si cette Opinion de l’ESMA n’est pas de nature à bouleverser l’environnement français, les règles issues du principe de non-contagion vont requérir la mise en place de procédures complémentaires au sein des SGP. A cet égard, l’ESMA considère que les catégories non-conformes à l’Opinion ne doivent plus accepter de nouveaux investisseurs à compter du 1er août 2017 et ne plus accueillir de nouvelles souscriptions d’investisseurs ayant déjà investi à compter du 1er août 2018.
Notes
1 ESMA34-43-296
2 Les fonds conformes à la directive 2009/65/CE telle que modifiée par la directive 2014/91/UE
3 Article L. 214-5 du code monétaire et financier
4 Chaque compartiment constituant un patrimoine distinct de l’OPCVM dans la mesure où, sauf dispositions contraires dans la documentation constitutive de l’OPCVM, les actifs d’un compartiment déterminé ne répondent que des dettes, engagements et obligations et ne bénéficient que des créances qui concernent ce compartiment.
Auteur
Jérôme Sutour, avocat associé, responsable Services Financiers.