Brevets : appels et précisions sur les conditions permettant de bénéficier de la priorité d’une demande antérieure
En matière de brevets, il est important d’être diligent et de protéger ses inventions au plus tôt. C’est pourquoi il n’est pas rare qu’une société, dans le cadre d’un brevet européen, essaie de faire jouer à son profit l’existence d’un ou plusieurs dépôts, effectués sous son nom, de brevets nationaux antérieurs portant sur la même invention.
L’article 87 de la convention de Munich encadre cette possibilité. A cet égard, la jurisprudence française a déjà affirmé à plusieurs reprises que, pour pouvoir bénéficier de ce droit de priorité, les deux brevets devaient concerner la même invention.
La Cour de cassation livre de nouvelles précisions sur cette condition d’identité des inventions brevetées successivement (Cass. com., 22 novembre 2016, n°15-16.647). Il s’agissait en l’espèce d’une procédure opposant, d’une part, une société titulaire d’un brevet français et d’un brevet européen pour un casque de vélo permettant d’améliorer la protection de ceux qui le portent et, d’autre part, une société fabriquant un casque supposé contrefaisant et son distributeur, une grande enseigne d’articles de sport.
La société ayant breveté le casque entendait faire jouer le droit de priorité tiré du dépôt d’un brevet français pour faire valoir qu’elle était la première à avoir déposé un brevet européen concernant un nouveau « dispositif de fixation occipitale réglable d’un casque […] ». Ses contradicteurs arguaient qu’elle ne pouvait en bénéficier, faute d’identité entre les revendications des deux brevets.
La Cour de cassation rejette cet argument, indiquant que le droit de priorité peut trouver à s’appliquer même en l’absence de reprise à l’identique de l’ensemble des caractéristiques de l’invention. Elle valide ainsi l’analyse de la Cour d’appel, en précisant que, « en retenant que la protection portait, dans les deux cas, sur la combinaison des mêmes éléments, dont elle a apprécié les caractéristiques essentielles », le juge du fond a justifié sa décision. La Cour d’appel avait été plus précise, indiquant que l’absence de mention de deux pièces constitutives du casque dans la revendication de brevet européen ne pouvait être analysée comme un élargissement de la protection, « dès lors que la variante de réalisation sus-décrite […] pouvait à l’évidence être envisagée par l’homme du métier, sans effort technique, à la lecture du brevet français », l’homme du métier étant, en l’espèce, un fabricant de casque spécialiste des fixations pour casque.
L’action en contrefaçon du fabricant de casque a donc été couronnée de succès. Par ailleurs, une action en indemnisation du préjudice résultant de la contrefaçon de ce brevet, introduite de longue date, s’est soldée par une lourde condamnation du contrefacteur et de l’équipementier : 1 414 036,04 euros en réparation des actes de contrefaçon résultant de la commercialisation des casques, 50 000 euros au titre du préjudice moral et 60 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile (TGI Paris, 10 juin 2016, n°2010/05487).
Auteurs
Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.
Hélène Chalmeton, juriste au sein du Département droit des affaires, en charge du knowledge management.