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Diffamation du fait de l’évocation d’une procédure judiciaire dans un reportage

Diffamation du fait de l’évocation d’une procédure judiciaire dans un reportage

A la suite de la diffusion d’un reportage télévisé intitulé « Les nouveaux pièges de l’immobilier » portant sur les mécanismes d’investissement immobilier de défiscalisation et contenant des propos relatifs à une société de promotion et de placements immobiliers, cette dernière avait porté plainte du chef de diffamation publique tout en se constituant partie civile.

Pour rappel, les éléments constitutifs du délit de diffamation publique sont l’allégation ou l’imputation de mauvaise foi d’un fait déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne ou d’un corps auquel il est imputé, ayant fait l’objet d’une publicité.

En première instance et en appel, les juges du fond avaient considéré comme n’étant pas diffamatoires les propos tenus dans le reportage, tant par la journaliste de la chaîne que par une ancienne conseillère en investissement de la société visée intervenant dans le reportage.

La Cour d’appel avait notamment considéré comme n’étant pas diffamatoires les propos suivants évoquant l’ouverture d’une instruction judiciaire :

  • « Trois ans après cette époque euphorique, des dizaines de particuliers ont porté plainte contre [la société], du coup, une instruction judiciaire est en cours, et deux dirigeants du groupe ont été déjà mis en examen pour escroquerie »;
  • « Une affaire qui embarrasse le patron des promoteurs. Depuis qu’une instruction judiciaire est ouverte contre le Groupe […], il a décidé de lui tourner le dos ».

Cependant, après examen des propos litigieux du reportage dans son ensemble, la Cour de cassation retient à l’inverse que ces passages sont diffamatoires et casse partiellement l’arrêt d’appel en affirmant notamment que « d’une part, l’identification de la société […] résultant tant de chacun des propos concernés, que de l’articulation entre ces derniers au sein d’un même reportage, d’autre part, en laissant entendre qu’une procédure judiciaire était en cours contre elle, directement ou en la personne de ses dirigeants pour des infractions qui leur seraient reprochées, il portaient atteinte à son honneur ou sa considération » (Cass. crim., 15 novembre 2016, n°15-84.418).

La Cour de cassation rappelle ainsi le principe selon lequel, pour apprécier le caractère diffamatoire de propos litigieux, ces derniers ne doivent pas être pris isolément, mais replacés dans un contexte plus large, comme en l’espèce celui d’un reportage en son entier.

Alors que la Cour d’appel considère que le simple fait d’indiquer qu’une personne est mise en cause dans une procédure ne porte pas atteinte à l’honneur ou à la réputation, dès lors que la « présomption d’innocence est pleinement reconnue par le grand public », la Cour de cassation retient au contraire que les propos évoquant une instruction judiciaire dans le contexte particulier de ce reportage induisent dans l’esprit des téléspectateurs que la société a effectivement commis des faits pouvant être qualifiés d’infraction pénale, en l’espèce une escroquerie.

Par voie de conséquence, compte tenu de l’ensemble éditorial dans lequel ils sont contenus, les propos relatifs à l’existence d’une instruction judiciaire sont susceptibles d’engager la responsabilité à la fois de leur auteur, de la journaliste et du directeur de publication, « sauf admission du bénéfice de la bonne foi en faveur de la journaliste ».

Auteurs

Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.

Diane De Tarr-Michel, avocat en droit de la propriété intellectuelle

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