La clause d’arbitrage prend de l’ampleur
La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle ambitionne de rendre la justice « plus efficace, plus simple, plus accessible avec davantage d’indépendance ». En réalité, dans un contexte budgétaire tendu, la réforme tend principalement à recentrer l’intervention du juge sur sa mission essentielle qui est celle de trancher des litiges, d’où la montée en puissance des dispositifs qui favorisent le règlement amiable des litiges et notamment l’essor donné à la clause compromissoire.
L’article 11 de la loi modifie l’article 2061 du Code civil qui, jusqu’alors, n’autorisait l’insertion d’une clause compromissoire que dans les contrats conclus à raison d’une activité professionnelle. Désormais, l’utilisation de cette clause est possible dans tous les contrats, y compris donc dans ceux conclus entre deux particuliers ou entre un professionnel et un particulier.
Pour les promoteurs du nouveau texte, cette extension du champ d’application de la clause compromissoire devrait trouver son utilité notamment :
- dans le domaine immobilier (insertion dans un règlement de copropriété, un cahier des charges de lotissement, une convention d’indivision, un pacte d’associés de sociétés civiles immobilières) ;
- et dans le domaine des relations économiques nouées sur Internet entre particuliers (contrats de vente ou de location de biens), en permettant le règlement des litiges à moindre coût.
Une seule condition requise : la clause doit avoir été acceptée par la partie à laquelle on l’oppose, « à moins que celle-ci n’ait succédé aux droits et obligations de la partie qui l’a initialement acceptée ». Se trouvent ainsi consacrées la jurisprudence sur la circulation de la clause notamment dans le cadre de la cession de contrat mais aussi son application dans tous les cas de substitution légale ou contractuelle (notamment fusion et succession).
L’acceptation peut être tacite. En effet, il était initialement prévu que l’acceptation soit expresse. Cette exigence a été supprimée à la demande du Gouvernement pour permettre les hypothèses d’acceptation tacite de la clause, conformément à la jurisprudence fixée depuis l’arrêt Dow Chemical du 21 octobre 1983 de la cour d’appel de Paris. Cet arrêt a admis, sous certaines conditions, une extension de la convention d’arbitrage signée par une entité appartenant à un groupe de sociétés à d’autres sociétés du groupe non signataires.
Toutefois dans un souci de protection consumériste, puisque la loi nouvelle ouvre la voie du recours à l’arbitrage dans les contrats de consommation, validité n’équivaut pas à opposabilité : ainsi, il est prévu que lorsque l’une des parties n’a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle, la clause (bien que valide) ne peut lui être opposée.
Cela veut dire qu’en cas de différend avec un professionnel, le consommateur aura le choix soit de comparaître devant l’arbitre conformément à la clause qu’il a acceptée, soit de saisir la juridiction étatique.
L’inopposabilité paraît écarter les griefs reposant sur la présomption de caractère abusif de la clause destinée à supprimer ou à entraver l’exercice d’actions en justice (C. cons., art. R. 212-2 al.10) ainsi que, sans doute, la possibilité de contester l’application de la clause sur le terrain du déséquilibre significatif de l’article 1171 du Code civil.
Dans les contrats entre particuliers, la clause devrait être opposable aux deux parties compte tenu du libellé de l’article 2061, dans la mesure où toutes deux auront contracté en dehors de la sphère professionnelle. De même dans les contrats « mixtes », elle sera toujours opposable au professionnel contractant.
Ces dispositions, qui ne devraient concerner que l’arbitrage interne, s’appliquent aux clauses conclues après l’entrée en vigueur de la loi, soit à compter du 20 novembre 2016.
Au fil des réformes on est ainsi passé d’une clause compromissoire valable exclusivement entre commerçants, à une clause compromissoire valable entre professionnels en 2001, pour arriver en 2016 à une clause compromissoire utilisable par tous. Cette nouvelle étape confirme bien la volonté persistante du législateur d’étendre le champ des modes alternatifs de règlement des différends.
Auteur
Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat Counsel au sein du département de doctrine juridique, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris