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Un bon nombre des questions classiques sur la rupture brutale en un seul arrêt

Un bon nombre des questions classiques sur la rupture brutale en un seul arrêt

Dans le cadre d’un contentieux récent relatif à la rupture brutale d’un contrat de concession automobile, la Cour de cassation est venue rappeler la portée de la réglementation nationale et les règles d’indemnisation applicables en la matière (Cass. com., 5 juillet 2016, n°15-17.004).

Dans cette affaire, un concédant automobile n’avait pas renouvelé les deux contrats qui le liaient à son concessionnaire. Les deux derniers contrats avaient été conclus le 1er octobre 2003 pour une durée déterminée et stipulaient que chaque partie devrait, avec un préavis de six mois avant le terme, notifier à l’autre partie son intention de ne pas renouveler le contrat. Le concédant avait respecté un préavis de 16 mois. Pourtant, le concessionnaire assignait le concédant en paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L.442-6 I 5° du Code de commerce. Les juges du fond avaient condamné le concédant à payer au concessionnaire la somme de 729 640 euros au titre de la rupture de leurs relations commerciales portant sur la vente des véhicules neufs BMW et Mini, et celle de 215 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la baisse de l’activité après-vente.

La Cour de cassation était saisie par le concédant de plusieurs moyens soulevant notamment que :

  • les dispositions de droit interne de l’article L.442-6 I 5° étaient incompatibles avec le droit européen (l’article 3.2 du règlement n°1/2003 du 16 décembre 2002 et l’article 3.5, a) du règlement 1400/2002 du 31 juillet 2002) ;
  • les juges du fond n’avaient pas pu légalement apprécier le préavis dû en retenant pour point de départ des relations commerciales l’année 1964 alors que la société concédante n’avait été constituée qu’en 1972 et que le concessionnaire n’était membre du réseau du concédant que depuis 1977, sans expliquer à quel titre et dans quelles conditions le concédant avait entendu poursuivre la relation commerciale initialement nouée ;
  • il convenait de distinguer entre la vente des véhicules de marque BMW et celle des véhicules de marque Mini, laquelle n’avait été accordée au concessionnaire qu’en 2001, afin d’apprécier, pour chacune de ces activités, la durée suffisante de préavis ;
  • la baisse de l’activité après-vente ne pouvait pas être prise en compte pour apprécier le préjudice subi au motif que cette baisse était liée aux conditions fautives de la rupture par le concédant de la relation commerciale et qu’elle devait être limitée au seul préjudice causé par le caractère brutal de la rupture.

La Cour de cassation a tout d’abord rejeté le pourvoi sur le premier point. Elle a rappelé, d’une part, qu’un « règlement d’exemption n’établit pas de prescriptions contraignantes affectant directement la validité ou le contenu des clauses contractuelles ou obligeant les parties contractantes à y adapter le contenu de leur contrat, mais se limite à établir des conditions qui, si elles sont remplies, font échapper certaines clauses contractuelles à l’interdiction et par conséquent à la nullité de plein droit prévues par l’article 81 du Traité, devenu 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » et, d’autre part, que « le Règlement (CE) n°1400/2002 précise expressément que la durée de préavis qu’il prévoit revêt un caractère minimal et le Règlement (CE) n°1/2003 du 16 décembre 2002 prévoit, en son article 3.2, qu’il n’empêche pas les Etats membres d’adopter et de mettre en Å“uvre sur leur territoire des lois nationales plus strictes. »

Sur les deuxième et troisième points, la Cour de cassation a ensuite jugé qu’en l’état des constatations et appréciations souveraines des juges du fond, et dès lors que le concédant s’était borné à opposer l’absence d’agrément du concessionnaire avant 2001 sans discuter l’existence d’une relation commerciale établie antérieure, la Cour d’appel, qui n’était pas tenue de distinguer les différentes activités développées dans le cadre de cette relation commerciale pour définir la durée du préavis nécessaire à sa rupture, avait légalement justifié sa décision.

Enfin, la Cour de cassation a rappelé le principe désormais bien acquis selon lequel « seul le préjudice causé par le caractère brutal de la rupture doit être indemnisé et non celui résultant de la rupture elle-même » (voir également en ce sens : Cass. com., 20 octobre 2015, n°14-18.753).

Elle a censuré en toute logique la décision des juges du fond qui avaient considéré que le préjudice de la société concessionnaire lié à la perte de la vente des véhicules neufs, qui induisait une diminution des recettes au titre de l’activité de vente, était lié aux conditions fautives de la rupture par la société concédante sans que le lien de causalité entre les deux ne soit avéré.

Or, le préjudice lié à la rupture elle-même n’est pas réparable. La Cour de cassation a cassé en conséquence l’arrêt d’appel et renvoyé les parties sur ce point devant la cour d’appel de Limoges.

Celle-ci devra en conséquence évaluer le montant de l’indemnisation conformément à la jurisprudence qui exige que le préjudice soit évalué en considération de la marge brute escomptée pendant la période de préavis due et non exécutée (Cass. com., 24 juin 2014, n°12-27.908).

Auteurs

Brigitte Gauclère, avocat counsel en droit commercial, de la distribution et immobilier.

Miléna Oliva, avocat en droit commercial et droit de la distribution.

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