Coopération commerciale : obligation pour le distributeur de justifier la spécificité et la réalité des services
Un arrêt, rendu sur renvoi après cassation, dans un litige opposant le mandataire-liquidateur de la société « Les Jambons du Cotentin » à la société Eurauchan, centrale d’achat du groupe Auchan, vient rappeler le contrôle strict de la coopération commerciale effectué par le juge (CA Paris, 29 juin 2016, n°14/02306).
À l’occasion de la mise en liquidation judiciaire du fournisseur, le mandataire-liquidateur avait reproché à la centrale d’achat une fausse coopération commerciale et agi en restitution des sommes indûment payées à ce titre.
Les services de coopération commerciale sont définis aux articles L.441-7 et L.441-7-1 du Code de commerce qui régissent le formalisme de la convention écrite annuelle. Cette convention récapitulative doit en effet fixer, notamment, « les conditions dans lesquelles le distributeur ou le prestataire de services/le grossiste rend au fournisseur, à l’occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs ou en vue de leur revente aux professionnels, tout service propre à favoriser leur commercialisation ne relevant pas des obligations d’achat et de vente […] ». Ces services peuvent consister, par exemple, en des services spécifiques de mise en avant des produits par le distributeur dans une tête de gondole ou dans un catalogue publicitaire.
De son côté, l’article L.442-6, I, 1° du Code de commerce sanctionne en particulier la coopération commerciale fictive, c’est-à-dire l’obtention d’avantages « ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ». Il convient de noter que l’article L.441-3 du même code, qui détermine les règles de facturation, peut également servir de fondement au contrôle de la réalité de ces services.
La cour d’appel de Douai avait rejeté la demande du mandataire-liquidateur en remboursement des sommes versées au titre de la coopération commerciale, indiquant que celui-ci ne rapportait pas la preuve du caractère fictif de ces services. La Cour de cassation a toutefois censuré cet arrêt au motif qu’il appartenait à la société Eurauchan de rapporter la preuve de la spécificité de ces services (Cass. com., 24 septembre 2013, n°12-23.353).
L’article L.442-6, III alinéa 2 in fine du Code de commerce aménage en effet les règles classiques de la charge de la preuve en matière de pratiques restrictives de concurrence.
La Cour de cassation invitait ainsi les juges du fond à vérifier si les prestations avaient été effectuées et si elles étaient distinctes des opérations d’achat et de revente incombant au distributeur, c’est-à-dire à contrôler concrètement l’effectivité des services de coopération commerciale.
La cour d’appel de Paris relève en l’espèce que certains services du distributeur n’étaient pas distincts d’un « service » déjà prévu par les conditions générales de vente (CGV) du fournisseur, dénommé « service de création d’événement promotionnel ». Le fournisseur avait ainsi dû payer pour un service qu’il fournissait déjà lui-même au distributeur. L’action en répétition de l’indu est donc accueillie par la Cour d’appel, faute pour le distributeur d’avoir rapporté la preuve de la spécificité et de la réalité des services.
Cet arrêt est à rapprocher d’un arrêt rendu le même jour par la cour d’appel de Paris (CA Paris, 29 juin 2016, n°14/09786) qui précise que le service de coopération commerciale « doit être spécifique en ce qu’il donne droit à un avantage particulier au fournisseur en stimulant, facilitant la revente par [le distributeur] de ses produits […] ».
Auteur
Amaury Le Bourdon, avocat en droit de la concurrence et droit de la distribution