Orange et SFR sanctionnés pour non-respect de leurs obligations de déploiement
Par convention du 15 juillet 2003 portant mise en œuvre du plan d’extension de la couverture du territoire par les réseaux de téléphonie mobile, les autorités nationales et les grands opérateurs nationaux (Orange, SFR et Bouygues Telecom) ont mis en place un programme d’extension de la couverture mobile 2G dans les « zones blanches » et ont défini ses modalités de mise en œuvre.
Après un recensement effectué en 2006, ce « programme zones blanches » a été complété pour intégrer 364 nouveaux centres-bourgs.
Par deux décisions du 19 mars 2012, le régulateur des postes et des communications électroniques a ouvert une procédure d’instruction sur le fondement de l’article L.36-11 du Code des postes et des communications électroniques (CPCE), laquelle n’a pu être menée à son terme, le Conseil constitutionnel ayant déclaré contraire à la Constitution les deux premiers alinéas de l’article précité (décision n°2013-331 QPC du 5 juillet 2013).
Son pouvoir de sanction ayant été rétabli en mars 2014, l’ARCEP a mis en demeure, le 22 juillet 2015, Orange et SFR de respecter leurs obligations de couverture 2G des zones identifiées dans la convention nationale du 15 juillet 2003 et prévues au cahier des charges annexé à la décision de l’ARCEP n°2006-0140 du 31 janvier 2006.
Le président de la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction (RDPI) avait alors souligné le caractère exemplaire que devait avoir la sanction proposée en raison de l’importance de la couverture des zones rurales en services mobiles.
L’isolement et les difficultés d’accès invoqués par l’un des opérateurs mis en cause pour justifier son retard de couverture rendent précisément d’autant plus importante la couverture des zones blanches, en particulier en termes de développement économique, de solidarité sociale, voire de santé. Chaque jour de retard pris dans la couverture d’une commune « zone blanche » nuit ainsi de manière grave et certaine à la réalisation de l’objectif « aménagement et [… à ] l’intérêt des territoires » auquel le régulateur a pour mission de veiller (article L.32-1, II, 4°, du CPCE).
Aussi, et bien qu’au jour de la décision, les deux sociétés soutiennent avoir couvert les centres-bourg visés dans la mise en demeure de l’ARCEP, l’autorité de régulation a décidé de prononcer une sanction à leur encontre en raison du manquement avéré à l’échéance de leur mise en demeure. L’article L.36-11 du CPCE en vigueur au jour de la décision prévoyait alors que l’ARCEP pouvait prononcer « une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement apprécié notamment au regard du nombre d’habitants ou de kilomètres carrés non couverts ou de sites non couverts, sans pouvoir excéder un plafond fixé à 65 € par habitant non couvert ou 1 500 € par kilomètre carré non couvert ou 40 000 € par site non couvert lorsque la personne en cause ne s’est pas conformée à une mise en demeure portant sur le respect d’obligations de couverture de la population prévues par l’autorisation d’utilisation de fréquences qui lui a été attribuée ».
Toutefois, afin de s’assurer du caractère proportionné de la sanction infligée aux deux opérateurs, le régulateur a tenu compte des efforts de chacun, depuis le 1er janvier 2016, pour assurer la couverture des centres-bourg en services 2G.
L’ARCEP a ainsi condamné respectivement Orange à une sanction pécuniaire de 27 000 euros et SFR à une sanction de 380 000 euros. En outre, eu égard aux exigences d’intérêt général qui s’attachaient à ce que ces sanctions soient rendues publiques, l’autorité de régulation a décidé de publier la décision, pendant un mois, sur la page d’accueil de son site Internet et dans la base de données des décisions publiées accessibles sur son site Internet (décision n°2016-1015-FR et décision n°2016-1016-FR du 28 juillet 2016).
On notera que la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 a renforcé le montant des sanctions pouvant être infligées aux opérateurs sur ce point, lesquelles ne peuvent désormais excéder un « plafond fixé à 130 € par habitant non couvert ou 3 000 € par kilomètre carré non couvert ou 80 000 € par site non couvert lorsque la personne en cause ne s’est pas conformée à une mise en demeure portant sur le respect d’obligations de couverture de la population prévues par l’autorisation d’utilisation de fréquences qui lui a été attribuée » (article L.36-11 du CPCE modifié).
L’ARCEP entend par ailleurs renforcer le suivi des déploiements des réseaux fixes et mobiles. Outre l’observatoire des obligations de déploiement 2G, 3G et 4G des opérateurs en zones peu denses lancé en février 2016, la loi pour une République numérique permet également au régulateur de mettre à disposition du public les cartes numériques de couverture du territoire en open data.
Auteur
Audrey Maurel, avocat, Droit des communications électroniques