Fausse coopération commerciale : condamnation d’un distributeur à rembourser 77 millions d’euros
La société Système U Centrale Nationale avait négocié avec quatre de ses fournisseurs (Nestlé, Danone, Yoplait et Lavazza), la mise en place du service « TAC » (ou action de construction et de diffusion du tronc d’assortiment commun), présenté comme un service de coopération commerciale entre la centrale et ses fournisseurs.
La cour d’appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Créteil d’octobre 2006 qui avait condamné Système U Centrale Nationale à la restitution record de près de 77 millions d’euros ainsi qu’au paiement d’une amende civile de 100 000 euros en considérant à son tour que ce service « ne correspond à rien et qu’il est par conséquent fictif ».
Elle a tout d’abord écarté l’argument selon lequel la demande de répétition de l’indu dirigée contre Système U Centrale Nationale serait irrecevable en raison de la qualité de celle-ci de mandataire des quatre centrales régionales du groupe Système U : en effet, il apparaît que la centrale agit en véritable contractant autonome avec les fournisseurs, négociant directement et librement avec ceux-ci et encaissant les sommes versées par eux. Par suite, quel que soit le sort des sommes encaissées, elle peut valablement être assignée à la fois en annulation des contrats qu’elle a signés, et en répétition des sommes qu’elle a perçues à la suite de la signature de ces contrats.
Concernant ensuite le service TAC, la Cour d’appel a rappelé que « le service qui donne lieu à rémunération dans le cadre d’une convention de coopération commerciale doit être spécifique en ce qu’il donne droit à un avantage particulier au fournisseur en stimulant, facilitant la revente par celui-ci de ses produits » et que « ce service doit par conséquent aller au-delà des simples obligations résultant d’achats et de ventes ». Elle a estimé que Système U Centrale Nationale n’avait pas apporté la preuve de l’existence d’un tel service.
Au contraire, la définition du service TAC n’était pas précise : les fournisseurs ignoraient son contenu exact. Certains des magasins Système U ne connaissaient d’ailleurs pas ce service spécifique, alors que ceux qui le connaissaient lui préféraient les rencontres directes avec les fournisseurs afin d’obtenir des analyses plus fines, précises et actualisées.
En outre, les trois composantes autour desquelles s’articulait le service TAC, à savoir la collaboration marketing entre la centrale et les fournisseurs, l’aide au positionnement des produits en magasin et l’incitation à la vente des produits sélectionnés par les commerçants indépendants du groupement Système U, recouvraient en réalité des services purement fictifs de la part de Système U Centrale Nationale. S’agissant de la collaboration marketing, c’était les fournisseurs qui apportaient les données chiffrées, les orientations du marché, les études de panel et les études de consommation. Pour le positionnement des produits en magasin et l’incitation à la vente des produits, les magasins U traitaient directement avec les fournisseurs, les recommandations données par la centrale nationale restant générales et sans lien avec les spécificités locales. Ce caractère fictif était en outre confirmé par la conclusion de contrats de coopération commerciale spécifiques pour le lancement de nouveaux produits, assortis d’une rémunération distincte de celle du service TAC.
Dès lors que Système U Centrale Nationale ne pouvait pas exiger de rémunération pour un service qu’elle n’avait pas rendu sans violation des dispositions de l’article L.442-6 I 1° du Code de commerce, sa condamnation était donc justifiée. Cette décision fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
CA Paris, 29 juin 2016, n°14/09786
Auteurs
Nathalie Pétrignet, avocat associée en droit douanier, droit de la concurrence, droit européen, droit de la consommation et de la distribution, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris
Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat Counsel au sein du département de doctrine juridique, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris