Société de libre partenariat : un nouveau référentiel pour l’analyse des Limited Partnerships étrangers
La société de libre partenariat pourrait bien changer la méthode d’analyse fiscale des limited partnerships de droit étranger.
Pour déterminer le régime fiscal des partnerships à responsabilité limitée (Limited Partnerships ou « LP ») en France, il faut procéder par assimilation en déterminant le type de société française auquel le LP est assimilable pour ensuite appliquer le régime fiscal français y afférent1. En effet, comme vient de le rappeler récemment le Conseil d’Etat2 dans une décision relative à une LLC américaine, « il appartient au juge de l’impôt, saisi d’un litige portant sur le traitement fiscal d’une opération impliquant une société de droit étranger, d’identifier d’abord, au regard de l’ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable. Compte tenu de ces constatations, il lui revient ensuite de déterminer le régime applicable à l’opération litigieuse au regard de la loi fiscale française ». Cette analyse juridique s’opère bien entendu sous réserve des éventuelles dispositions spécifiques des conventions fiscales introduisant un régime dérogatoire de transparence (cas des conventions conclues avec les Etats-Unis ou le Royaume-Uni par exemple). Cependant, cette approche s’avère le plus souvent pénalisante pour les investisseurs étrangers (1), et on ne peut qu’espérer que la création de la Société de Libre Partenariat permette de renouveler cette analyse (2).
1. L’appréhension fiscale des LP : une méthode pénalisante
Les LP, du fait de la responsabilité limitée des associés, ne peuvent être comparés aux sociétés de personnes françaises, dont la responsabilité des associés est le plus souvent illimitée. Dès lors, et hors disposition conventionnelle contraire, les LP sont rarement considérées comme « transparentes » ou « translucides » avec imposition des associés et non de l’entité juridique. Les partnerships sont traités fiscalement en France comme une SARL ou société en commandite. Les associés de LP recevant des revenus passifs de source française seront donc, sauf dispositions spécifiques, privés du bénéfice des conventions fiscales car seul le partnership, devenu opaque sera considéré fiscalement d’un point de vue français, et ce dernier, en l’absence d’assujettissement à l’impôt ne pourra être considéré comme résident au sens de la plupart des conventions fiscales pour pouvoir s’en prévaloir…
Une instruction de 2007 commentant la décision Diebold3 avait pourtant reconnu la transparence fiscale des partnerships pour les revenus passifs de source française au regard de leur régime fiscal local. L’administration fiscale avait admis que « lorsqu’une société de personnes étrangère bénéficie d’un régime de transparence fiscale dans l’Etat dans lequel elle est située, l’administration accepte de regarder « à travers » cette structure afin de déterminer si les associés de cette société sont des résidents au sens de la convention conclue par la France avec l’Etat de résidence de l’associé et peuvent, de ce fait, bénéficier des avantages conventionnels pour les revenus passifs (dividendes, intérêts et redevances) de source française qui transitent par la société de personnes étrangère. Ce principe de transparence est appliqué même si la société de personnes étrangère est dotée de la personnalité morale et même si ses associés n’ont qu’une responsabilité limitée »4. La logique d’assimilation juridique n’avait donc pas été retenue par l’administration qui définissait expressément le champ d’application de la mesure par référence au régime fiscal du partnership à l’étranger. En 2012, lors de la mise en ligne de la base Bofip, en ce qui concerne les dividendes, la référence au régime fiscal de transparence à l’étranger a disparu, tout comme la référence à la responsabilité limitée des associés5. Ces solutions favorables ne nous semblent néanmoins pas remises en question par la décision Artémis dès lors que l’une des conditions de leur application est la transparence fiscale dans l’Etat du partnership et dans l’Etat de résidence de l’associé.
Lorsque la France est l’Etat de résidence de l’associé du LP, l’analyse juridique commandée par la décision « Artémis » devrait conduire nécessairement à considérer le LP comme une société opaque. Cette qualification devrait avoir pour corollaire l’application du régime des sociétés mères aux dividendes distribués par le LP au partner, lorsque celui-ci est une société française. En l’absence d’imposition au niveau du LP, la question de l’application des dispositions de l’article 209 B du CGI pour les associés soumis à l’IS en France, et détenant plus de 50% des parts du LP est susceptible de se poser.
2. La SLP : le nouveau référentiel
La Société de Libre Partenariat (« SLP ») est l’introduction en France d’une forme juridique très fortement inspirée du LP6. Juridiquement, la SLP est une société en commandite simple. Fiscalement, l’article 1655 sexies A du CGI prévoit que, pour l’imposition de ses bénéfices et celle de ses associés, la SLP est assimilée à un fonds professionnel de capital investissement constitué sous la forme d’un fonds commun de placement. La SLP se situe de ce fait en dehors du champ de l’IS et les associés commanditaires de la SLP sont imposés seulement au moment de la distribution de ses revenus (sous réserve de l’éventuelle application du mécanisme d’imposition des écarts de valeur liquidative) sans altération, par la SLP, de la nature et de la source des revenus redistribués.
Du fait de la responsabilité limitée des associés commanditaires, la SLP devrait bousculer les critères traditionnels d’assimilation en droit français.
La fiscalité française, à l’exception des sociétés visées à l’article 1655 ter du CGI, d’une application limitée, ignore le concept de transparence, pour l’avoir même rejeté en renonçant à introduire la transparence fiscale pour les sociétés de personnes7. Le régime fiscal de la SLP qui combine une exonération au niveau de la SLP et une imposition de l’associé commanditaire lors des distributions sans disqualification du revenu sous-jacent peut apparaître en droit fiscal français comme ce qui se rapproche le plus de la transparence fiscale telle que pratiquée et comprise à l’étranger. Ainsi, la SLP, conformément à l’objectif du législateur, permet à la France de se doter d’un véhicule juridiquement à responsabilité limitée et fiscalement comparable aux LP étrangers.
La SLP est un fonds d’investissement. De ce fait, les critères traditionnels de qualification (identité des associés, cessibilité des parts et surtout responsabilité des associés) nous semblent donc devoir être reconsidérés en présence d’un fonds d’investissement étranger structuré sous forme de LP investissant en France. Sous réserve d’une démonstration de modalités de fonctionnement comparables à celles d’une SLP, les investisseurs dans ces fonds étrangers pourraient alors bénéficier du régime fiscal de la SLP à raison de leurs revenus de source française (imposition lors de la distribution sans frottement fiscal). En revanche, pour un porteur « corporate » français de parts dans un LP étranger, l’assimilation à une SLP entraînerait la perte du bénéfice du régime des sociétés mères à raison des dividendes versés par le LP.
L’assimilation LP/SLP pourrait-elle aller au-delà des LP de capital-investissement ? Sur le terrain juridique, notre expérience confirme que la SLP jouit d’une réelle souplesse d’organisation. Le critère prédominant de comparaison étant la responsabilité des associés, nous appelons de nos vœux que l’administration et le juge administratif reconnaissent le bénéfice du régime fiscal des SLP et de leurs associés commanditaires aux LP qui ne seraient pas stricto sensu des véhicules d’investissements.
Notes
1 CE, 24 novembre 2014, n°363556, Artémis.
2 CE, 27 juin 2016, n°386842, Emerald Shores LLC, n°3.
3 BOI-INT-DG-20-20-20-10-20120912, n°80 et s. (pour les dividendes).
4 Inst. 4 H-5-07, 29 mars 2007, n°12 et 13.
5 Pour autant, et curieusement, les dividendes sont toujours mentionnés parmi les revenus bénéficiant de ce traitement favorable dans le Bofip relatif aux intérêts perçus par des sociétés étrangères transparentes (BOI-INT-DG-20-20-30-20150812, n°120).
6 Amendement n°SPE864 en date du 8 janvier 2015.
7 Article 12 du projet de loi de finances rectificative pour 2010.
Auteurs
Michel Collet, avocat associé, fiscalité internationale.
Benoît Foucher, avocat, fiscalité internationale