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La cause économique du licenciement : une notion à réinventer ?

La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi marque une évolution profonde du droit du licenciement pour motif économique. Elle ignore cependant la question de la cause du licenciement. Or, la notion de cause économique du licenciement doit être réinventée.

 

Cause économique du licenciement et contrôle judiciaire

Le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. A défaut, il expose l’entreprise à une condamnation judiciaire au versement de dommages et intérêts.

La question tenant à la démonstration de l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique est donc essentielle. En effet, l’adaptation de l’entreprise, et le cas échéant de ses effectifs, à l’évolution de ses marchés et de l’activité économique est une condition de sa compétitivité.

Il y a près de 20 ans que la Cour de Cassation a admis que la nécessité pour l’entreprise de se réorganiser en vue de sauvegarder la compétitivité puisse constituer une cause admissible du licenciement (arrêt « Vidéocolor », Cass. soc., 5 avril 1995). Cependant, l’impératif de sécurité juridique dont les critères sont la clarté, l’intelligibilité et la stabilité du droit, lesquels procèdent en réalité d’une simple exigence de qualité du droit, n’a pas à cet égard été atteint.

Le cadre dans lequel doit s’inscrire la motivation du projet de licenciement, et plus précisément pour les employeurs et leur conseil, dans lequel doit être rédigée la note économique prévue par l’article L. 1233-31 du code du travail est inadapté aux réalités économiques des entreprises.

Cette situation résulte notamment :

  • de la nécessité d’identifier et de définir, lorsque l’entreprise appartient à un groupe, le secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise ;
  • de l’obligation de démontrer en quoi est caractérisée l’existence, au niveau de ce secteur d’activité, de difficultés économiques, ou la menace pesant sur la compétitivité ;
  • de l’impératif d’étendre cette démonstration à l’ensemble des pays sur le territoire desquels opère le groupe lorsque celui-ci est de dimension mondiale, délaissant ainsi le critère de spécialisation géographique.

Or, la notion de secteur d’activité est mal définie. Ses contours sont parfois dessinés par emprunt à des notions tout aussi imprécises telles celles de marché ou encore de branche d’activité. Il en résulte que les échanges sur la motivation économique des projets dérivent souvent vers des débats juridiques formels, contraints par des principes jurisprudentiels difficiles d’application, et qui se révèlent ainsi stériles. C’est au demeurant l’incertitude même qui affecte la notion de cause économique de licenciement qui conduit les parties prenantes à tenter de sécuriser les avantages accordés dans un cadre transactionnel.

Cause économique du licenciement et loi de sécurisation de l’emploi

La loi de sécurisation de l’emploi a formellement ignoré la question de la cause économique du licenciement. Cependant, cette loi est susceptible, à plusieurs titres, de générer à cet égard une évolution du droit.

En premier lieu, le contrôle judiciaire de la cause économique est assurément à réinventer en ce qui concerne certains licenciements pour motif économique issus de cette même loi. Il en est ainsi de ceux résultant du refus des salariés d’accepter l’application à leur contrat de travail des stipulations d’un accord de mobilité interne mentionnées à l’article L. 2242-21 du code du travail.

Il en est de même des licenciements pour motif économique des salariés qui refusent l’application à leur contrat de travail de l’accord de maintien de l’emploi prévu à l’article L. 5125-1 du code du travail.

En deuxième lieu, la loi s’inscrit dans un objectif de renforcement du dialogue social au niveau de l’entreprise notamment en ce qui concerne sa situation économique. De cet impératif résulte en particulier le débat devant être mené sur les orientations stratégiques de l’entreprise (article L 2323-7-1 du code du travail) et l’analyse conjointe avec les organisations syndicales du diagnostic sur la situation économique de l’entreprise permettant la signature des accords de maintien de l’emploi.

De même, la base de données économiques et sociales nouvellement prévue par l’article L. 2323-7-2 du code du travail ouvrira aux élus et délégués syndicaux une information actualisée sur les principaux aspects de la vie économique de l’entreprise.

En troisième lieu, la loi de sécurisation de l’emploi a favorisé l’émergence d’un droit conventionnel du licenciement pour motif économique jusqu’alors très largement absent des procédures.

Cause économique du licenciement et négociation collective

L’évolution du droit et des procédures de licenciement pour motif économique, le renforcement de l’information sur la situation économique de l’entreprise et la consultation sur sa stratégie, permettent de penser qu’un nouveau champ de négociation mériterait d’être ouvert. Il pourrait notamment concerner le cadre de l’information économique pertinente et les conditions d’appréciation de la cause économique. Dans un contexte jurisprudentiel amené à évoluer, la norme conventionnelle a en effet vocation, dans une perspective de sécurisation juridique, à prendre la place la plus large.

 

A propos de l’auteur 

Laurent Marquet de Vasselot, avocat associé spécialisé en matière de relations sociales. Sa grande expertise du droit social l’ont amené, depuis plus de 20 ans, à être le conseil régulier de grandes entreprises et institutions, pour la conduite de leur politique sociale et des ressources humaines, et la mise en œuvre de leur restructuration.

 

Article paru dans Les Echos Business du 14 octobre 2013

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