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Brésil : une vision singulière des prix de transfert qui pourrait séduire certains pays émergents

L’OCDE n’est pas la seule organisation à édicter des règles en matière de prix de transfert ! L’ONU a publié fin mai 2013 un modèle de manuel sur les prix de transfert qui contient notamment un chapitre entier consacré à l’exposé de leur législation par des représentants des administrations fiscales de certains pays émergents. L’exposé du Brésil mérite qu’on s’y arrête.

Le Brésil n’applique pas les méthodes OCDE dites transactionnelles (profit split et TNMM) mais reconnaît seulement les méthodes classiques (CUP, Cost Plus et Resale Minus). Pour ces 2 dernières, le taux de principe est une marge fixée à 20%, même si en 2012, une relative modulation de ce taux a été introduite.

La volonté de justifier le bien-fondé de l’application de ces marges fixe est manifeste. Selon l’exposé, l’utilisation « conventionnelle » des méthodes de Cost Plus et de Resale Minus, c’est-à-dire avec des marges de marché, engendre de l’incertitude juridique car elles sont appliquées par le contribuable sans l’accord préalable des autorités fiscales.

A l’inverse, l’utilisation de marges fixes a de nombreux avantages notamment :

  • la simplicité d’application et le moindre coût : la détermination des prix de transfert peut se faire sans recourir à des connaissances très techniques ;
  • la sécurité juridique : il est aisé d’anticiper quels seront les prix de transfert avec les sociétés du groupe. Par ailleurs, il n’y a pas de distorsion de concurrence puisque toutes les entreprises d’un secteur sont soumises à la même charge fiscale dans leurs relations intra groupe.

Néanmoins, le rapport reconnait certaines faiblesses :

  • le risque d’engendrer une double imposition dans les cas où il n’y a pas de recours possible à la procédure amiable ;
  • une divergence entre la profitabilité réelle et la base d’imposition.

Malgré cela, le représentant de l’administration fiscale brésilienne fait des recommandations aux pays qui envisageraient d’adopter la méthode des marges fixes, en suggérant de retenir des fourchettes de marges qui ressortiraient des statistiques de données sur des entreprises indépendantes. Ces recommandations sont intéressantes à plus d’un titre. D’abord, on peut se demander si le Brésil suivra ses propres recommandations en assouplissant les marges fixes (en fonction des secteurs économiques) actuellement prévues par la loi Ensuite, parce qu’on sent une certaine volonté d’inciter d’autres pays à adopter une législation sur le modèle brésilien, ce qui n’est pas très rassurant.

Les autorités fiscales des pays de l’OCDE, à commencer par la française, doivent donc veiller à défendre leurs points de vue dans les instances internationales afin que la singularité brésilienne ne devienne pas trop commune parmi les pays émergents. Sinon les cas de double imposition risquent de se multiplier au détriment des entreprises françaises.

 

A propos de l’auteur

Agnès de l’Estoile-Campi, avocat associée. Spécialisée en fiscalité internationale, elle travaille essentiellement pour des groupes français multinationaux dans les domaines suivants : fusions et acquisitions, réorganisations, prix de transfert, stratégie et optimisation fiscale internationale.

 

L’actualité fiscale en bref parue dans la revue Option Finance du 14 octobre 2013

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