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Transposition de la 4e directive anti-blanchiment : vers moins d’harmonisation en Europe ?

Transposition de la 4e directive anti-blanchiment : vers moins d’harmonisation en Europe ?

C’est avec une certaine impatience que l’on attend la publication – au plus tard le 3 décembre 2016 – de l’ordonnance de transposition de la Directive UE 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (la 4e directive anti-blanchiment)1.

D’une part, parce que cette transposition impactera peu ou prou tous les acteurs économiques, que ce soit directement parce qu’ils sont assujettis à la vigilance anti-blanchiment/financement du terrorisme (sauf surprise, ils devraient être plus nombreux qu’actuellement2), ou indirectement parce qu’ils doivent répondre aux sollicitations croissantes des premiers.

D’autre part, parce qu’elle va fixer le niveau de vigilance «français» par rapport à celui imposé aux établissements assujettis d’autres Etats, au risque de reproduire les situations étranges constatées sous l’empire des textes actuels où un établissement assujetti français se doit de détecter une situation de blanchiment de fraude fiscale d’un client alors que son homologue dans un pays voisin n’est pas tenu à la même obligation (pour un même client). On peut s’attendre – comme pour les rescrits fiscaux – à voir s’exprimer l’ingéniosité de certains législateurs en Europe pour atténuer autant que possible la contrainte issue de cette 4e directive, même si on peut espérer que la Commission européenne jouera pleinement son rôle d’autorité d’évaluation supranationale prévue par les nouveaux textes.

C’est d’ailleurs l’un des enjeux forts de cette transposition française de savoir si notre législateur appliquera des règles plus strictes que celles de l’harmonisation minimale requise. De même, il conviendra de rester attentif aux textes d’application susceptibles de revenir sur tout ou partie des mesures de vigilance simplifiées autorisant une certaine dispense de vigilance, comme par exemple le traitement de faveur réservé à la clientèle de sociétés cotées sur un marché réglementé. C’est finalement sur ces textes d’application que l’on pourra jauger la contrainte française par rapport à celle existant dans les autres Etats de l’UE.

Au-delà, on peut s’interroger sur la capacité des Etats membres, et notamment la France, à donner les moyens aux greffes nationaux de s’assurer de la fiabilité des bénéficiaires effectifs renseignés par les sociétés, à leur constitution ou en cas de changement de contrôle.

Pour le reste, on ne sera pas surpris par certaines dispositions annoncées et pourtant contestables au regard du principe d’égalité. C’est notamment le cas du maintien de la discrimination à rebours contre les résidents français s’agissant de leurs paiements en espèces (plafonnés à 1 000€ au nom de la lutte contre le terrorisme !) alors que les non-résidents sont sans doute moins soupçonnables puisqu’ils devraient pouvoir continuer à payer en espèces jusqu’à 15 000€ (moyennant une prise d’identité dès 10 000€).

Enfin, la publication attendue du Règlement délégué de la Commission européenne recensant les pays tiers à haut risque au regard de la lutte contre le blanchiment est parue le 20 septembre 2016, avec la confirmation que la liste des états concernés est très différente de la liste française des Etats et territoires non coopératifs (à laquelle le Panama a récemment été ajoutée) car basée sur l’évaluation du GAFI (Groupe d’action financière) plutôt que sur une décision de politique européenne.

Notes

1 Article 118 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement. L’entrée en vigueur du nouveau dispositif est prévue au plus tard le 21 juin 2017, même si la Commission européenne a annoncé qu’elle souhaitait que les Etats membres appliquent les nouveaux textes de façon anticipée. Elle a en outre adopté le 5 juillet 2016 un projet de Directive modificative (le 5e train de mesures européen) qu’elle souhaiterait voir transposée dans les Etats membres le 1er janvier 2017, selon une méthode nouvelle tendant à demander aux Etats de l’UE de transposer un texte qui n’est pas encore adopté par le Parlement et le Conseil.
2 Seraient ainsi vraisemblablement concernés certains prestataires de jeux d’argent ou encore les plates-formes de conversion de monnaies virtuelles.

Auteur

Alexandre Marion, avocat spécialisé en droit bancaire et financier

Transposition de la 4e directive anti-blanchiment : vers moins d’harmonisation en Europe ? – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 3 octobre 2016
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