Validité de l’agrément rétroactif d’un candidat à la reprise d’actifs cédés en exécution d’engagements
On se souvient qu’à la suite de l’annulation par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de la décision de la Commission européenne ayant agréé la société Wendel pour reprendre une partie des actifs d’Editis dans le cadre de l’autorisation de rachat de celle-ci par Lagardère, la Commission avait une nouvelle fois agréé cette société le 13 mai 2011. L’éditeur Odile Jacob, candidat à la reprise évincé, avait alors saisi le Tribunal de l’Union européenne (TUE) d’un recours en annulation contre ce second agrément à effet rétroactif. Ayant été débouté (cf. Lettre Concurrence/Economie d’octobre 2014), l’éditeur avait contesté cette décision devant la CJUE. Celle-ci vient de confirmer l’analyse du Tribunal et de rejeter ce pourvoi.
Odile Jacob reprochait essentiellement à la Commission d’avoir violé, d’une part, l’article 266 TFUE en ne neutralisant pas l’ensemble des effets de l’illégalité de la première décision d’agrément et, d’autre part, le principe de non-rétroactivité. Selon la requérante, en effet, le premier agrément qui avait été annulé étant indissociable de la décision conditionnelle d’autorisation de concentration, la Commission aurait dû révoquer cette dernière.
La CJUE, comme le TUE, réfute l’argument en constatant que le fait pour le premier agrément d’avoir été donné sur la base d’un rapport établi par un mandataire, qui n’était pas indépendant du cédant, n’affectait en rien la légalité de la décision conditionnelle d’autorisation : celle-ci demeurait seulement inapplicable temporairement, dans l’attente d’un nouvel agrément. La Commission n’était donc pas tenue, dans une telle hypothèse, de révoquer cette décision.
La Cour approuve également le TUE d’avoir estimé que le caractère rétroactif du deuxième agrément était justifié, tant par la nécessité de remédier à une situation d’illégalité précédemment constatée par le juge de l’Union tout en comblant le vide juridique provoqué par l’annulation du premier agrément, que par le principe de confiance légitime en la bonne exécution des décisions de justice.
Enfin, la Cour de justice n’accueille pas non plus les arguments d’Odile Jacob contestant l’indépendance de Wendel par rapport à Lagardère et ce, malgré la présence d’une même personne dans les organes de direction de ces sociétés.
Après plus de dix années de contentieux, l’ « affaire Odile Jacob » connaît son épilogue à la faveur d’une décision privilégiant la sécurité juridique. La solution contraire aurait en effet soulevé la problématique délicate de la restitution des actifs litigieux, dont Wendel s’était entre-temps séparé.
CJUE, 28 janvier 2016, aff. C-514/14 P, Editions Odile Jacob SAS c/Commission
Auteur
Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat Counsel au sein du département de doctrine juridique, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris