Directive AIFM : Les nouvelles règles de rémunération au sein des fonds d’investissement alternatifs
4 octobre 2013
Après les traders pour compte propre des banques, les preneurs de risques des gestionnaires d’actifs voient à leur tour leurs rémunérations encadrées afin de «limiter les prises de risques excessives». Entrée en vigueur le 22 juillet dernier, la directive Alternative Investment Fund Managers (AIFM) a ainsi pour objectif de réguler les activités des gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (GFIA) et de réduire les risques liés à leurs méthodes de gestion.
A cet effet, le texte prévoit notamment certaines règles encadrant les rémunérations applicables aux personnels des gestionnaires (article 13 et annexe II). En complément de ce texte, l’Autorité européenne des marchés financiers a publié des orientations se rapportant aux politiques de rémunération au sein de fonds d’investissement alternatifs.
Un objectif de limitation des prises de risques par l’encadrement des rémunérations
L’article 13 de la directive AIFM fait ainsi référence à une «gestion saine et efficace des risques» au travers de politiques et de pratiques de rémunération pour les personnels des fonds d’investissement alternatifs. Sont plus précisément concernés les collaborateurs «dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur les profils de risque» du GFIA.
Considérant que la rémunération de ces acteurs est de nature à influer négativement sur leur comportement en incitant à une prise de risque excessive, s’imposent désormais un équilibre entre les rémunérations fixe et variable, la mesure des performances ainsi que l’ajustement au risque de la rémunération variable. La politique de rémunération doit en particulier être alignée sur les intérêts à long terme du GFIA.
La conciliation des intérêts du gérant avec celui de son client investisseur
La rémunération fixe doit être équilibrée de façon à garantir une rémunération variable pleinement souple, c’est-à-dire la possibilité de ne payer aucune composante variable.
Un seuil de 50% est applicable en matière de composition de la rémunération variable : dans le cas où la gestion du FIA présente au moins 50% du portefeuille total du gestionnaire, au moins 50% de sa rémunération variable doit consister en des parts ou actions du FIA. De plus, le paiement d’une part d’au moins 40% de la rémunération variable doit être différé en tenant compte du cycle de vie et de la politique de remboursement du FIA. Le report doit être ainsi d’au moins trois à cinq ans.
La rémunération variable ne doit cependant pas prendre la forme d’instruments ou de méthodes visant à contourner ces règles.
Gouvernance de la rémunération
Autre innovation importante : la création d’un comité de rémunération pour les GFIA importants, lequel doit être en mesure d’agir indépendamment des dirigeants. A cet effet, la majorité de ses membres dont le président ne peut exercer de fonction exécutive.
La fonction de surveillance du GFIA doit par ailleurs intégrer le respect de la politique de rémunération telle que définie et être responsable de son approbation. Elle doit garantir la compatibilité de la politique choisie avec la gestion saine et efficace du risque. Les fonctions de contrôle doivent également jouer un rôle dans l’élaboration, la surveillance et l’évaluation des politiques de rémunération. Son personnel doit être rémunéré en fonction de la réalisation de ses objectifs et non pas selon les résultats des secteurs qu’il contrôle. En outre et au minimum une fois par an, la politique de rémunération du GFIA doit faire l’objet d’une évaluation interne, centrale et indépendante.
Une application des règles à l’aune du principe de proportionnalité
Ces nouvelles règles d’encadrement ont été gouvernées par le principe de proportionnalité. Point d’uniformité donc des modalités retenues : selon la taille, l’organisation interne, la nature, la portée et la complexité de leurs activités, certains GFIA devront faire preuve de plus de rigueur que d’autres. Cependant, chaque exclusion de règles relatives à la rémunération doit pouvoir être justifiée par le GFIA auprès des autorités compétentes.
Une question enfin qui n’est pas abordée par les textes, celle de la parfois délicate articulation de ces règles avec les principes régissant la rémunération contractuelle des salariés en droit français. La mise en œuvre de dispositions analogues pour les traders a en effet révélé les complexités d’une telle combinaison, s’agissant notamment des incidences des départs sur les droits différés…
A propos de l’auteur
Pierre Bonneau, avocat associé. Il intervient en conseil et contentieux en droit du travail, droit pénal du travail et droit de la protection sociale. Il détient une forte expérience notamment dans le domaine de la représentation du personnel et dans la gestion des relations sociales : assistance quotidienne de nombreuses entreprises et organismes dans ce domaine, gestion de contentieux divers (délit d’entrave, discrimination…), mise en place d’accords, formations régulières (actualité sociale, négociation collective…). Son activité consiste plus généralement à conseiller au quotidien les entreprises sur les aspects juridiques des relations individuelles et collectives de travail ainsi qu’en matière de protection sociale.
Article paru dans le supplément du numéro 1238 Option Finance du 30 septembre 2013
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